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H. SPENCER. — DE L’INTÉGRATION POLITIQUE

L’intégration politique, empêchée dans beaucoup de pays par les conditions du milieu, s’est trouvée chez beaucoup de races d’hommes arrêtée par l’inaptitude naturelle de l’homme, physique, morale et intellectuelle.

Pour que l’union sociale soit possible, il ne suffit pas que la nature des individus unis y soit appropriée, il faut qu’il y ait entre elles une grande ressemblance de race. Au début la ressemblance de race se trouve assurée par une parenté plus ou moins étroite. Nous en avons des preuves partout chez les peuplades sauvages. Chez les Boschismans, dit Lichenstein, « les familles seules forment des associations constituées par de petites tribus isolées ; les sentiments sexuels, l’amour instinctif des parents pour les enfants, ou l’attachement coutumier des parents les uns pour les autres, sont les seuls liens qui retiennent des membres de la tribu dans une sorte d’union. » Autre exemple : « Les Veddahs des montagnes se divisent en petits clans ou familles associées pour des raisons de parenté, qui s’accordent à se partager la forêt entre eux comme territoire de chasse, etc. » Enfin cette origine de la société dans la famille, qui se révèle dans ces groupes peu organisés, reparaît dans les groupes très organisés de sauvages plus avancés, par exemple les naturels de la Nouvelle-Zélande, dont « dix-huit nations historiques occupent le pays, chacune subdivisée en plusieurs tribus, autrefois des familles, ce qu’indique incontestablement le préfixe Ngati, qui veut dire descendant (comme les préfixes O et Mac). » Les remarques de Humboldt sur les Indiens de l’Amérique du Sud montrent bien cette relation entre la parenté et l’union sociale. « Les sauvages, dit-il, ne connaissent que leur propre famille ; et une tribu ne leur paraît qu’un assemblage plus nombreux de parents. » Lorsque les Indiens habitant les missions voient ceux des forêts qui leur sont inconnus, ils disent « Ce sont sans doute de mes parents ; je les comprends quand ils me parlent. » Mais ces mêmes sauvages détestent tous ceux qui ne sont pas de leur famille ou de leur tribu : « Ils savent les devoirs de famille et de parenté, mais non ceux d’humanité. »

Lorsque nous avons traité des relations domestiques, nous avons exposé les raisons qui autorisent à conclure que la stabilité sociale augmente à mesure que les relations parentales deviennent plus définies et plus étendues, puisque le développement des relations parentales, en ce qu’il assure la ressemblance de nature qui favorise la coopération, implique l’affermissement et la multiplication des liens de famille qui font obstacle à la disjonction. Partout où la promiscuité règne, partout où l’usage des mariages