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H. SPENCER. — DE L’INTÉGRATION POLITIQUE

il en respectait les éléments constitutifs et la forme. La société romaine naquit de l’union (sous quelque forme qu’elle se soit produite) des anciens clans, les Romilii, les Voltinii, les Fabii, etc. » Enfin sir Henry Maine a montré en détail comment la famille simple devient la communauté de maison et plus tard la communauté de village. Sans doute les témoignages fournis par les races qui entretiennent des relations sexuelles irrégulières ne nous permettent pas de prétendre que la communauté du sang soit la raison primitive de la coopération politique ; sans doute, dans des tribus nombreuses qui ne se sont pas encore élevées à l’état pastoral, il existe une coopération offensive et défensive entre ceux dont les noms sont des signes auxquels on reconnaît une différence de sang ; mais, lorsque la filiation masculine s’est établie, surtout lorsque la polygamie règne, la communauté du sang exerce une influence considérable, sinon prépondérante, en faveur de la coopération politique. Enfin nous retrouvons là, sous un autre point de vue, ce que nous avons dit plus haut, à savoir que l’action combinée, exigeant une certaine ressemblance de nature entre ceux qui l’accomplissent, réussit le mieux, dans les premiers temps, parmi ceux qui, descendant des mêmes ancêtres, ont entre eux la plus grande ressemblance.

Il faut ajouter ici un effet extrêmement important, quoique moins direct des relations du sang, et surtout de la relation du sang plus définie que les autres qui résulte de l’union monogamique. Nous voulons parler de la communauté de religion, c’est-à-dire d’idées et de sentiments semblables incarnés dans le culte d’une divinité commune. Ce culte commence en réalité par des cérémonies de propitiation du fondateur de la famille ; à mesure que la famille s’étend, les groupes toujours plus nombreux de descendants qui la composent prennent part à ce culte, qui devient à la fin un lien pour le groupe composé graduellement formé et un obstacle à l’antagonisme qui peut surgir entre tels ou tels des groupes composants : c’est-à-dire une cause favorable à l’intégration. L’influence d’un culte commun se révèle partout dans l’histoire ancienne. Chacune des villes de la primitive Égypte était un centre du culte d’une divinité spéciale ; et lorsqu’on étudie sans opinion préconçue le développement extraordinaire du culte des ancêtres, sous toutes ses formes, en Égypte, ne saurait-on contester l’origine de cette divinité. Chez les Grecs, « chaque famille avait ses rites sacrés propres et des cérémonies funèbres commémoratives des ancêtres, célébrées par le chef de la famille, auxquels nul autre que les membres de la famille ne pouvait participer : l’extinction de la famille entraînait la suspension de ces rites religieux ; aussi les Grecs la considéraient-ils