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G. GUÉROULT. — du rôle du mouvement


SECTION III.


Des beaux-arts qui reposent sur des associations de sensations de divers ordres

Si la théorie qui précède est exacte, il est aisé de concevoir que le génie artistique ait eu la pensée d’associer, de combiner en proportions diverses, les différents mouvements qui se traduisent en émotions esthétiques.

Au premier abord, il semble qu’une association de ce genre entre la peinture, l’architecture, la sculpture, la musique, la poésie doive, nécessairement produire, sur l’âme, une impression plus vive et plus profonde que chacun de ces éléments agissant seul. Ce raisonnement instinctif n’est pas rigoureux. Tout le monde sait que, en mécanique, du mouvement ajouté à du mouvement peut produire du repos, et ce principe théorique est confirmé, en optique et en acoustique, par le phénomène des interférences, où deux lumières, deux sons, s’ajoutant, peuvent produire l’obscurité ou le silence.

Sur le terrain esthétique, on comprend aisément qu’il en puisse être de même. Sollicitée à s’émouvoir suivant des directions différentes. l’âme peut demeurer en suspens. Tout dépend du mode de combinaison des éléments associés. On peut distinguer deux cas : les beaux-arts, qui interviennent dans la combinaison relèvent de sensations de même nature ou de sensations de nature différente.

À la première catégorie appartiennent :

1o  L’association de la sculpture et de la peinture, appliquées à l’ornementation des édifices de l’architecture (relevant toutes trois du sens de la vision) ;

2o  L’association de la peinture et de la sculpture, statues peintes, figures de cire, etc. (vision) ;

3o  L’association de la musique et de la poésie (auditions).

Dans la seconde catégorie se rangent :

1o  La danse ou pantomime, où les mouvements du corps sont étroitement associés à des sensations musicales ;

2o  L’art dramatique, où des acteurs récitent de la prose ou de la poésie (audition) en faisant des gestes (vision) et l’on pourrait ajouter sur un théâtre décoré par les ressources de la peinture et de la sculpture (vision) ;

3o  L’art lyrique enfin, l’opéra ou opéra-comique, dans lequel la vision intervient par le jeu de l’acteur, la contemplation des décors et des danses, et l’audition par les paroles et la musique. Cette dernière association est évidemment la plus complète ; elle ne laisse en dehors aucun des éléments précédemment énumérés. L’oreille et la