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Behandlung) la psychologie, dès la seconde moitié du xviiie siècle, la dépouilla de plus en plus de son caractère scientifique[1] !… » Par bonheur pour la science, Leipzig est bien près de Halle, et Fechner, Wundt et Drobisch sont là pour démentir une pareille hérésie.

Nous sommes en 1881. Bain, Spencer, Wundt, Taine et d’autres nous ont montré ce que c’est qu’une psychologie exacte, fondée sur l’observation et l’expérience, qui accumule des faits et cherche des lois. La littérature psychologique a fait des pas rapides. Une multitude de monographies, d’articles, de notices, remplit nos bibliothèques et nos journaux ; dans les universités la psychologie règne en souveraine, et « on voit s’approcher le temps, où l’on sera exclusivement psychologue, comme on est exclusivement physicien, chimiste, physiologiste[2]. » Je dirai même plus : « Si l’on jette un coup d’œil attentif sur les travaux modernes concernant la psychophysique, la psychologie physiologique, la psychiatrie, la psychologie criminelle, pédagogique, la psychologie comparée des animaux, des races et des nations, l’éthologie, ou science des caractères individuels, etc., etc., on arrivera bientôt à une conclusion que, dans cinquante années d’ici, il sera impossible pour un seul homme d’en embrasser toutes les branches, et que chacune d’elles aura ses spécialistes[3] !

C’est là un résultat inévitable du progrès. Mais, s’il en est ainsi, si la psychologie commence à avoir des spécialistes, si la division du travail vient a être exécutée, et que les observations particulières abondent, qu’avons-nous fait pour lui procurer une autre condition non moins indispensable, une condition du progrès sine qua non, savoir l’unité des cherches ? À vrai dire, nous n’avons fait rien. Et cependant cette question s’impose à la science depuis longtemps. Déjà, vers la fin du siècle dernier et au commencement du nôtre, des esprits sains, non entichés des spéculations verbales du transcendantalisme, sont arrivés à sentir ce défaut et ont cherché le moyen de s’en débarrasser. Un prêtre norvégien, Schönfeld[4] frappé de la discordance qui régnait entre les psychologies de Descartes, de Locke de Wolf, de Crusius et d’Helvétius, faisait appel aux sociétés scientifiques pour les inviter de procéder à l’unification. En 1772, Ulrich, professeur d’Iéna, renonce à introduire la psychologie dans le cadre de son système, parce que, disait-il, elle n’était pas encore constituée, et parce qu’il croyait au-dessus de ses forces d’utiliser

  1. J.-E. Erdmann, Grundriss der Psychologie. Leipzig, 1873, p. 1.
  2. Th Ribot, La psychologie allemande contemporane, Paris, 1879, p. xxvi.
  3. J. Ochorowicz. Poyadanki i spostrezenia. Wrazsawa, 1879, p.
  4. D. N. Schönfeld, Anweisung zur kentniss seiner Selbst, etc. Bütro 1764.