Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
5
J. OCHOROWlCZ. — projet d’un congrès de psychologie

toutes les observations éparses dans les œuvres des médecins et dans les mémoires des Académies. Néanmoins c’est dans ce but qu’il s’occupa à recueillir l’index d’une « Bibliothèque psychologique ». En 1785, Charles Moritz, un rêveur passionné pour la science de l’âme, fonda le premier journal psychologique : Magazin zur Erfahrungsseelenkunde. En 1800 existait même à Paris une « Société des observateurs de l’homme », dont le but était d’organiser et d’unifier les observations anthropologiques, faites sur les différents points du globe. C’est à l’usage des membres correspondants de cette Société que de Gérando publia ses « Considérations sur les diverses méthodes à suivre dans l’observation des peuples sauvages[1] ». Enfin Suiadecki, en 1821, professa, non sans ardeur et en termes décisifs, qu’il était bien temps d’en finir une fois avec ces débats éternels de sectes philosophiques et de constituer une seule psychologie scientifique, étrangère aux conflits de systèmes…

Près d’un siècle s’est écoulé depuis, et les mêmes conditions restent à remplir, les mêmes voix se font entendre[2], le même besoin d’unité se fait sentir, avec la seule différence qu’il est senti plus généralement, qu’il est devenu plus clair, plus ardent, et que la réalisation s’en présente comme possible, tandis qu’elle ne l’était pas vers 1800.

Il serait superflu de vouloir démontrer que la psychologie philosophique n’a fait aucun pas vers l’unité. On pourrait même soutenir qu’elle n’est parvenue qu’à préciser et multiplier les différences. Ne voit-on pas, encore de nos jours, enseigner çà et là des systèmes de psychologie herbartien ne, hégélienne, krausienne, etc., qui s’excluent l’un l’autre ? Mais à quoi bon évoquer les vieux fantômes, qui tôt ou tard finiront par mourir d’épuisement, en laissant à une seule psychologie positive l’héritage de ce peu de vérités empiriques ou analytiques qui leur sont communes. Il suffit de rester dans le domaine de la psychologie scientifique, ou plutôt de celle qui tend à le devenir, pour voir que là aussi, malgré l’unité fondamentale de méthode (si non pratiquée, du moins admise), règne une divergence complète dans les efforts individuels, et souvent même un désaccord plus grand que ne l’était celui des manuels métaphysiques au milieu du siècle passé. Grâce à l’absence totale d’une organisation du travail, quelle qu’elle soit, et faute d’une relation intime entre les savants de divers pays, les mêmes décou-

  1. F.-A. Carus, Geschichte der Psychologie, Leipzig, 1808, p. 757.
  2. Voir l’article de Lewes dans le Mind, 1876, no  2 les introductions de M. Ribot ; la préface de M. Brentano dans sa Psychologie vom empirischem Standpunkte, 1874, etc.