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prend Parménide par rapport à la vérité et à l’opinion, et, tout en laissant à l’Eléate toute l’originalité de son argumentation moniste, on soupçonnera que, comme Alcméon, il suivait, jusqu’à un certain point, l’exemple de Pythagore.

L’esprit mathématique de ce dernier ne pouvait manquer d’être frappé de la différence entre les vérités susceptibles d’une démonstration rigoureuse et les opinions auxquelles les apparences des sens, rectifiées dans une certaine mesure par des raisonnements plus ou moins vagues et plus ou moins fondés, ne peuvent assurer qu’une probabilité conjecturale. De là résultait pour lui, en tant que chef d’école, la nécessité d’un double enseignement, dont l’un demandait une longue et sérieuse préparation et ne pouvait être fait qu’à une élite choisie, dont l’autre pouvait s’adresser à quiconque consentait à accepter sans discussion les opinions professées par le maître.

Je ne crois nullement qu’il ait astreint à l’obligation du secret les disciples choisis qu’il admettait à son enseignement véritablement scientifique. Il n’en est pas moins certain que le fait même de leur élection devait les rendre passablement jaloux des plus hautes vérités de cet enseignement ; en tout cas, il est très possible que telle de ces vérités fût contredite apparemment pour les élèves du dehors, qu’il leur fût dit, par exemple, que l’on conjecture que la terre a la forme d’un disque, tandis que les raisons qui en établissent la sphéricité étaient exposées aux seuls membres de la petite école. Une pareille supposition explique très suffisamment le silence d’Alcméon.

Il est une autre vérité astronomique que les témoignages de l’antiquité attribuent aussi, les uns à Parménide, les autres à Pythagore, et qu’on doit aussi faire remonter à ce dernier : c’est l’identité de l’étoile du soir et de l’étoile du matin, c’est-à-dire la reconnaissance de la planète Vénus. Cette fois, il ne s’agit point sans doute d’une découverte faite par Pythagore lui-même, mais d’une donnée empruntée par lui aux barbares (Chaldéens ou Égyptiens), en même temps probablement que la connaissance des autres planètes. Mais Parménide ne serait point ici le premier écrivain qui aurait réfuté l’erreur populaire, si, comme l’affirme Achilles (Tatius), il a été devancé par le poète lbycus de Rhégium.

Enfin il est une troisième connaissance que des textes assez nombreux attribuent tant à Pythagore qu’à Parménide : c’est celle de la cause des phases et des éclipses de la lune, la découverte que sa lumière est empruntée au soleil et que nous en voyons seulement la partie éclairée. Ces témoignages, au reste de dates relativement récentes, s’appuient sur deux vers de Parménide conservés par Plutarque :