Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
revue philosophique

qu’une convention, et que d’autre part cette convention soit déjà contenue dans le concept de force, que le principe d’inertie ne fasse donc, s’il est posé après la définition de la force, que répéter celle-ci sous une autre forme, c’est là ce qui est moins généralement reconnu.

Pour ne pas parler des tentatives récentes pour modifier la formule actuelle de la loi d’inertie, il suffit de rappeler qu’avant Newton, Képler concevait le mouvement rectiligne et uniforme comme impliquant une force. Kant s’appuie pour rejeter a priori une pareille conception, sur ce point que nous devons considérer les mouvements rectilignes et uniformes comme purement relatifs, qu’il est absurde de parler, au point de vue empirique, d’un repos ou d’un mouvement absolu. Mais c’est confondre la cinématique avec la dynamique ; nous ne prétendons probablement pas arriver pour la force à des déterminations absolues ; il, s’agit seulement de reconnaître les conditions nécessaires pour l’expérience ; or si les conditions admises par Newton sont plus commodes, il ne s’ensuit nullement que celles supposées par Képler soient d’une application impossible.

Il me paraît certain que c’est l’expérience seule, a posteriori, qui a conduit à déterminer la formule adoptée pour la loi d’inertie, de façon à obtenir la plus grande simplicité dans l’explication ; l’histoire est là pour le prouver ; le concept scientifique de force avait d’ailleurs été élaboré dès longtemps, mais en partant d’une base empirique toute spéciale, l’ensemble des phénomènes d’équilibre, de l’état statique ; le progrès de la dynamique date du jour où les expériences de Galilée permirent de lier le concept statique du poids avec la loi des mouvements dûs à la pesanteur ; la dynamique acheva de se constituer définitivement quand Newton put étendre les principes d’explication de Galilée aux lois empiriques trouvées par Képler pour le mouvement des corps célestes. Dans tout ce développement, le rôle des éléments a priori est aussi restreint que possible.

La confusion faite par Kant entre le point de vue cinématique et le point de vue dynamique, a d’ailleurs occasionné dans son œuvre une lacune sensible que M. Stadler aurait sans doute reconnue, s’il n’avait pas encore, comme je l’ai dit plus haut, exagéré cette confusion. Kant a cru que sa phoronomie suffisait pour établir les lois de la composition des mouvements que tendent à produire différentes forces ; il n’a pas senti la nécessité de poser pour cette composition, des principes de mécanique spéciaux.

L’existence de cette lacune est une preuve palpable du vice de la