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A. BINET et CH. FÉRÉ. — l’hypnotisme chez les hystériques

raison d’ailleurs, que les phénomènes intellectuels et moraux de l’hypnotisme sont beaucoup plus fréquents que les effets physiques ; et chez la plupart des sujets qu’on endort, on ne recherche même pas s’il existe quelque phénomène somatique particulier ; puis, confondant ce qui est fréquent avec ce qui est simple, ce qui est rare avec ce qui est complexe, ces mêmes observateurs soutiennent qu’on doit commencer l’étude de l’hypnotisme par ses manifestations intellectuelles. Erreur de méthode qui provient d’une erreur de jugement. La fréquence et la simplicité ne vont pas toujours ensemble ; le fait psychologique, si répandu qu’il soit, est toujours plus compliqué, plus délicat, plus intérieur, plus difficile à interpréter qu’un phénomène physique apparent et en quelque sorte grossier, comme le sont par exemple les contractures de la léthargie ou les attitudes de l’état cataleptique.

Nous commencerons, par conséquent, par l’étude du transfert dans la léthargie et la catalepsie[1], périodes de l’hypnotisme qui sont presque exclusivement physiques.

II

Lorsqu’une hypnotique est plongée dans la léthargie totale avec hyperexcitabilité neuro-musculaire, si l’on ouvre l’œil gauche, le sujet devient cataleptique de ce côté, tout en conservant l’état léthargique du côté droit, où l’œil est resté fermé. Nous plaçons la nommée X… dans ces conditions. Nous écartons son bras gauche du tronc, nous relevons son avant bras et sa main dans la position verticale ; ce bras étant cataleptique, garde cette position. Du côté droit, où siège la léthargie, l’avant-bras et la main flasques reposent sur une table à quelques centimètres d’un aimant dissimulé sous un linge. Nous maintenons l’œil droit hermétiquement fermé. Au bout de deux minutes, la main droite commence à trembler, elle devient cireuse comme un membre cataleptique, elle quitte la table, se lève lentement et peu à peu se place dans la position qu’occupait le bras gauche. Ce dernier s’anime par degrés de mouvements convulsifs rapides, qui débutent peu après les tremblements du bras droit ; ces mouvements violents cessent tout à coup comme un accès d’épilepsie partielle, pour laisser le bras complètement flasque et tombant le

  1. Nous renvoyons, pour la définition de ces termes, n la note de M. Charcot : Essai d’une distinction nosographique des divers états nerveux, compris sous le nom d’hypnotisme. (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1882.)