Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/597

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mouvement possible — est un état de tension où se contre-balancent un ensemble de petits mouvements oscillatoires ; le triomphe actuel d’une impulsion cérébrale, au contraire, implique une décharge nerveuse dans une direction déterminée. Or, outre le contraste d’intensité, il y a entre les deux phénomènes un contraste évident de forme et de résultats corporels. Le moment où un navire est en tension sous vapeur et le moment où il se met en marche ne peuvent pas ne pas se distinguer. Le contraste cérébral doit donc avoir sa contre-partie mentale, et il l’a en effet dans la volition. Celle-ci est, comme on dit, la « détermination » de la volonté, mais il faut entendre par là, nous l’avons vu, que c’est la volonté spécifiée, déterminée en un sens à l’exclusion des autres, et déterminée sous la forme de telle idée, avec conscience de soi. Selon les résistances que la volition rencontre non seulement pour s’exécuter, mais pour se produire, il y a un sentiment d’effort mental et cérébral plus ou moins intense. Enfin le mouvement effectué dans les muscles doit se distinguer pour la conscience du simple mouvement cérébral effectué. Le mouvement massif du membre se traduit en effet par une multitude de sensations afférentes très tranchées, intenses, et localisées nettement dans l’espace. Tout le long du trajet nerveux, à mesure que le courant de l’innervation descend, il y a bien aussi des sensations afférentes qui nous avertissent de son passage ; mais ces sensations sont relativement faibles, uniformes, et de très courte durée ; elles n’ont pas le relief nécessaire pour se détacher dans la conscience. C’est un simple murmure, tandis que le mouvement du membre est un son rythmé qui éclate.

1. Revue phil., ibid., p. 380.


Nous avons donc en somme, dans l’acte volontaire, conscience d’une motion continue qui se développe, mais avec trois degrés différents d’intensité et de vivacité et avec des effets très différents dans l’organisme. Ces trois degrés correspondent d’abord à la simple idée de l’acte, puis à la prévalence de l’idée, et enfin à l’exécution de l’idée. En même temps aux trois stades de la motion répondent des sensations diverses en intensité, en qualité, en signe local. Dans la simple attention volontaire à une idée, nous avons des sensations de tension côphalique, oculaire, etc., et aussi déjà des sensations musculaires sympathiques et synergiques. Dans la détermination de la volonté par la prévalence de l’idée, nous avons des sensations de décharge cérébrale et de détente tout le long du trajet des nerfs. Enfin, quand l’exécution musculaire se produit, les sensations musculaires atteignent leur maximum d’intensité et de netteté ; elles se localisent nettement dans l’espace. C’est ce que le vulgaire appelle proprement Vaction ; mais, en réalité, l’action a toujours