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attitude que Braid a découverte. « Si on met un sujet dans l’attitude de la prière, écrit M. Beaunis, par ce seul fait et sans besoin d’aucun mot on lui suggère l’idée de la prière et on provoque des hallucinations et des actes qui sont en rapport avec cette idée. Il y a donc une relation étroite entre un mouvement, même communiqué, et les idées et les sentiments dont ce mouvement est l’expression[1]. » Dans ce cas, ce sont les sensations musculaires produites par la contraction des muscles servant à exprimer l’émotion qui la réveillent, ayant été associées à cette émotion un grand nombre de fois.

La reviviscence d’une émotion éteinte est donc toujours déterminée en dernière analyse par une sensation.

De même que les émotions, les idées sont en dernière analyse réveillées toujours par des sensations. Si nous passons de nouveau par un lieu où une certaine idée nous vint à l’esprit, nous nous ressouvenons souvent de cette idée ; si nous touchons des doigts le nœud que nous avons fait au coin du mouchoir, nous nous souvenons de la pensée qui était présente à notre esprit, pendant que nous nouions le mouchoir ; si nous regardons un livre, beaucoup des idées oubliées que nous y avions puisées nous reviennent à l’esprit. Une idée est donc toujours rappelée par une sensation, avec laquelle elle a été associée dans l’expérience antérieure ; bien que souvent ce rapport soit plus compliqué et difficile à découvrir, une idée pouvant être réveillée par une autre idée associée, qui à son tour a été réveillée par une sensation. Dans ce cas nous avons une chaîne d’idées associées, dont l’une réveille l’autre, mais dont la première a été excitée par une sensation.

Il y a sans doute des personnes chez lesquelles les émotions et les souvenirs peuvent durer longtemps, même après que la cause excitatrice n’agit plus ; mais cela revient seulement à dire que chez ces personnes les états de conscience étant très intenses, il faut beaucoup de temps pour consommer la quantité d’énergie dont ils sont pourvus à leur origine. Mais ces états de conscience, bien que très intenses et vifs, ne pourront pas durer éternellement ; et lorsqu’ils seront éteints, ils ne pourront être réveillés que par une sensation à laquelle ils aient été associés auparavant.

Si nous comparons à présent ces conclusions avec les dernières théories de la psycho-physique, ce rapprochement entre la loi d’inertie et la loi des associations mentales nous paraîtra entièrement justifié. Une sensation est selon l’hypothèse la plus probable

  1. Op. cit.. — Richet, L’homme et l’intelligence, Paris, 1884.