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que si les angles sont égaux, les côtés sont proportionnels et inversement. Le maître qui imposerait à ses élèves de construire un triangle dont il donnerait les côtés et les angles ne commettrait pas une faute plus énorme que l’inventeur de cette définition[1].

La définition doit donc être génétique ou, comme d’autres disent, constructive. C’est à la lumière de ce précepte que nous allons examiner les propositions géométriques auxquelles, dans ce siècle, on a affecté, par généralisation, le nom de postulat. Les postulats concernent la droite et le plan et les parallèles. Les premiers ont été découverts depuis peu. Le troisième nous a été légué par les anciens.


II


Le postulat connu universellement sous le nom de postulatum d’Euclide, a été formulé par lui dans les termes suivants :

« Si une droite tombant sur deux droites fait les angles intérieurs d’un même côté plus petits que deux droits, ces deux droites prolongées se rencontreront du côté où les angles sont plus petits que deux droits[2]. »

Je n’apprendrai rien à personne en disant que c’est ce postulat qui a donné naissance aux géométries dites non-euclidiennes pour cette raison seule que Lobatschewsky le premier, suivant une indication de Gauss, ne le mit pas au nombre des vérités nécessaires.

Pourquoi cette demande plutôt que telle autre d’Euclide, par exemple que deux droites ne peuvent enfermer un espace ? parce que, plus que toutes les autres, elle a l’air d’un théorème. Il est difficile d’y voir un axiome, encore plus difficile d’y voir une définition. Elle semble appeler une démonstration ; et cette démonstration, ni Euclide ni aucun des géomètres des siècles qui se sont succédé jusqu’au nôtre, ne l’ont trouvée.

Quelle est la raison d’être de ce postulat ? Elle tient à la définition même que l’on donne des parallèles : « droites situées dans le même plan et qui ne peuvent se rencontrer si loin qu’on les suppose prolongées. »

On voit tout de suite que cette définition n’est pas génétique. Elle

  1. Je n’ai jamais pu, dans le temps, faire partager aux mathématiciens mon opinion touchant le caractère défectueux de cette définition. Voir Prolégomènes, etc., p. 95.
  2. Dans les ouvrages modernes, on donne souvent à ce postulat une forme moins générale et moins précise, mais plus simple : « Une perpendiculaire et une oblique à une même droite se rencontrent, quand on les prolonge suffisamment. »