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ou à gauche[1]. Pour le cône, observation analogue. La définition est donc indéterminée.

Mais voici qui est tout à fait grave, si grave que je n’ose croire que les métagéomètres n’ont pas prévu l’objection. Sur un cône ordinaire dont le développement occupe un petit angle, par exemple de 30°, un cône assez aigu par conséquent, une géodésique indéfinie fera plusieurs fois le tour de la surface, se coupant elle-même à plusieurs reprises, d’autant plus souvent que le cône est plus effilé. De sorte que si l’on choisit pour points donnés les points de rencontre, l’indétermination est bien plus grande encore[2].

Ce qui vient d’être dit est tellement exact qu’il est entendu que la géodésique est au fond la ligne la plus courte que l’on peut tirer entre deux points sur une surface donnée, et non pas seulement sur une surface identique à elle-même, et que, sur la sphère, le cylindre, le cône, etc., des deux arcs possibles, c’est le plus court qu’il faut choisir comme géodésique. Il suit de là que c’est par un artifice de langage, propre à tromper seulement ceux qui y mettent de la bonne volonté, que l’on échappe momentanément à la marque distinctive

  1. Et encore je fais abstraction du cas très compliqué où le cylindre se compose d’une surface plane plusieurs fois enroulée sur elle-même. La géodésique du cylindre, de cette surface sur laquelle une ligne droite peut se déplacer parallèlement à elle-même, me rappelle un problème que j’ai soumis dans le temps à bon nombre de mathématiciens, sans que j’aie obtenu une solution qui me satisfît entièrement. Toutefois je me rappelle que mon collègue, M. Dauge, de l’université de Gand, m’en avait trouvé une, fort longue, à laquelle, pour le moment, rien ne me parut manquer. Je ne l’ai plus dans la mémoire. Voici ce problème : Étant donné un cylindre indéfini (supposons même qu’il soit à base circulaire et droit), tracer une de ses génératrices rectilignes. En d’autres termes, étant donnés un cylindre indéfini et une droite, placer la droite sur le cylindre. On voit que ce problème a certains rapports avec la définition ordinaire du plan et le postulat d’Euclide. Je le regarde comme très difficile. Ce problème me fait souvenir d’une anecdote bien curieuse. Plateau, le célèbre physicien aveugle, s’y était intéresse, et, un jour, il me fit part d’une solution qui nous parut simple et irréprochable. D’un point quelconque de la surface pris comme centre et avec un compas ordinaire, on peut y tracer une courbe elliptique qui prend une forme de plus en plus allongée à mesure que l’ouverture du compas s’agrandit. Au moment où cette ouverture est égale à la corde qui sous-tend l’arc de 90° de la base circulaire du cylindre, le grand axe de cette ellipse se termine aux extrémités d’un même diamètre. Si maintenant on suppose que les branches du compas se recourbent de manière à contourner le cylindre, l’ellipse pourra s’allonger encore, et lorsque l’ouverture du compas sera égale au diamètre du cylindre, l’ellipse deviendra tangente à elle-même en un point diamétralement opposé au centre. Agrandissant encore l’ouverture, l’ellipse se coupe en deux points qui déterminent une génératrice. Ce n’est que huit jours après que Plateau me fit toucher au doigt la faute dans laquelle il était tombé, et moi à sa suite.
  2. Sur un cône de révolution, ces points de rencontre sont situés sur deux génératrices opposées. Il y a autant de points de rencontre que le développement du cône est compris de fois dans une demi-circonférence.