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serait, par exemple, celle d’une surface où la somme des angles de tous les triangles serait la même mais différente de deux droits[1] — cette preuve, dis-je, est tirée de la géométrie euclidienne. C’est ce que nous avons vu, c’est ce que M. Poincaré lui-même a mis en lumière, sans se douter qu’on pouvait tirer argument contre lui de ses explications.

Qu’est-ce cependant que cette géométrie euclidienne, garant des métagéométries ? C’est celle d’un troisième genre d’espace — lequel ne contient qu’une espèce — l’espace euclidien ou homogène, dont le plan jouit de deux propriétés qui le distinguent des plans méteuclidiens : la première, que deux droites quelconques ne s’y coupent qu’en un point ou bien sont parallèles ; la seconde, que la somme des angles de tous les triangles y est invariablement égale à deux droits.

Or l’existence et la coexistence de ces deux propriétés, les métagéométres les supposent sans songer à justifier leur supposition. Ils admettent donc les postulats euclidiens sans les démontrer. Car nous ne regarderons pas comme une démonstration valable en géométrie, ni surtout en géométrie élémentaire, la preuve analytique que si, dans les formules trigonométriques applicables aux plans méteuclidiens, et admises par hypothèse, on fait un certain paramètre infiniment grand, ou la surface des triangles infiniment petite, on retrouve la caractéristique du plan et du triangle euclidiens. Si les métagéomètres n’ont pas vu le cercle vicieux de leur raisonnement, c’est que ce cercle a un si vaste pourtour qu’en le parcourant ils ont cru suivre une ligne droite.

Et ainsi encore une fois nous retombons sur cette conclusion que la métagéométrie, quelle qu’elle soit, ne nous a pas délivrés du postulatum d’Euclide.

Il serait certes intéressant de suivre M. Calinon et de passer au crible d’une critique sans faiblesse les démonstrations des propositions qu’il appuie sur les deux définitions qui précèdent. Cela m’entrainerait beaucoup trop loin et sans grand profit pour ma thèse. C’est ainsi que tout d’abord il dit qu’une géodésique en tournant autour (?) d’un de ses points engendre un angle. D’abord elle engendre une surface et non un angle, à moins que l’on ne voie dans l’angle une surface — et M. Calinon s’en garde bien. Mais passons. Ensuite si l’on songe que les géodésiques peuvent être et sont d’une façon générale des lignes courbes et qu’ainsi une géodésique en tournant peut engendrer quatre angles, dont deux en général différents, on

  1. Voir Prolégomènes, etc., p. 77.