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tinctif ». Je n’en ai compris ni l’énoncé ni la démonstration. L’énoncé me paraît même contradictoire avec la définition de la surface identique à elle-même.

Mais que dirai-je du troisième théorème que « une géodésique ayant deux de ses points dans deux régions différentes, rencontre la géodésique qui sépare ces régions » ? La démonstration de ce théorème comprend deux pages entières et exige trois figures. C’est dire combien elle est laborieuse et partant sujette à caution. Je me hâte d’ajouter que, dans les géométries ordinaires, on ne cherche pas à démontrer que, si deux points sont pris dans les deux régions du plan séparées par une droite, celle-ci est nécessairement coupée par la droite qui relie ces deux points. Il faut donc, en tout état de cause, savoir gré à M. Lechalas de sa rigueur et de sa franchise.

Je ne veux pas poursuivre plus loin cet examen, parce que la loyauté exigerait que je cite en entier toutes les démonstrations de M. Lechalas. J’engage vivement le lecteur curieux de contrôler mon jugement à recourir au texte original.


VIII


Voilà donc démontrée — du moins je l’espère — la proposition que j’énonçais dans ma première étude (p. 453) « Il y a une infinité de géométries, mais elles s’appuient toutes sur la géométrie d’Euclide. »

Je pense avoir fait ressortir la vanité des tentatives des géomètres qui veulent donner à la géométrie une base plus large que celle de la géométrie euclidienne. Ils s’illusionnent, quand ils s’imaginent avoir mis de côté toute intuition concrète et avoir écarté les postulats en remplaçant le plan et la ligne droite par les concepts de la surface identique et de la géodésique. Au fond, on n’accepte aucune de leurs propositions que sous bénéfice d’inventaire, c’est-à-dire après s’être assuré qu’elles s’appliquent soit au plan, soit à telle autre surface connue.

De plus ces géométries ne peuvent servir à étudier l’espace réel, puisque l’on ne saurait dire quel genre d’abstraction directe il faudrait faire subir à l’espace réel pour en faire un espace ou sphérique ou pseudosphérique. Nous avons vu en effet que l’on n’engendrait ces nouveaux espaces qu’en incorporant à l’espace euclidien les propriétés de la sphère ou de la pseudosphère. Ils ne représentent donc pas mieux l’espace réel que ne le fait l’espace euclidien ; au contraire, car c’est celui-ci qui nous met à même de comprendre leurs pro-