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Toutes les lettres employées étaient monosyllabiques, c’est-à-dire qu’y a été laissé de côté. Les mots étaient tous des substantifs, adjectifs ou verbes usuels ; en outre j’avais pris garde que deux mots successifs ne pussent donner lieu à une association d’idées. Voici par exemple l’une des séries de 6 disyllabes que j’ai employées : papier, mouchoir, tapage, bottine, canif, porter. Les termes monosyllabes, disyllabes, trisyllabes sont pris dans leur sens propre, c’est-à-dire comme s’appliquant exclusivement à la langue parlée : c’est pourquoi on ne doit pas s’étonner de voir parmi les disyllahes précédents tapage, bottine ; de même j’ai employé comme monosyllabes chute, homme, tige, par exemple.

Je n’ai rythmé ni les chiffres, ni les lettres, ni les monosyllabes. Quant aux disyllabes et trisyllabes, outre que j’ai intercalé entre deux d’entre eux consécutifs comme entre deux chiffres, lettres ou monosyllabes consécutifs un très court arrêt, ils formaient nécessairement, par définition même, des groupes de 2, de 3 syllabes.

Pendant que je prononçais les chiffres, lettres, etc., certains jeunes gens remuaient les lèvres, d’autres ne les remuaient pas ; j’ai laissé à cet égard chacun suivre librement sa disposition naturelle ; j’ai craint de fausser davantage les résultats de l’expérience en exigeant de tous par exemple l’immobilité des lèvres qu’en laissant chacun agir à sa guise.

Une autre précaution qui n’a pas été prise est la suivante : faire répéter tout le monde avec la même vitesse. Les uns répétaient manifestement avec la vitesse avec laquelle j’avais prononcé ; d’autres allaient plus vite.

Je me suis toujours tenu en garde contre la tendance des jeunes gens à grouper et rythmer leur perception et leur réponse. Cette tendance ne s’est du reste pas révélée aussi souvent que je l’aurais cru d’abord. Ceux qui ont manifestement rythmé leurs réponses ont été laissés de côté dans les calculs qui vont suivre. Quand j’ai eu affaire aux jeunes gens de dix-sept à vingt ans, je les ai priés, avant l’expérience, de ne pas grouper et de ne pas rythmer. On peut ajouter, au sujet du groupement et du rythme, que les disyllabes et trisyllabes, étant groupés déjà quand je les prononçais, ne se prêtaient pas facilement à un nouveau groupement dans l’esprit de celui qui avait à les répéter.

Je ne me suis servi d’aucun instrument pour maintenir constante ma vitesse de prononciation. Je me suis simplement appliqué à parler toujours avec la même vitesse, la même hauteur et la même netteté. En contrôlant à un jour d’intervalle la régularité de ma vitesse de prononciation au moyen d’une bonne montre marchant et arrê-