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il suit : J’ai demandé aux professeurs principaux des jeunes gens que j’ai interrogés de vouloir bien me donner d’un mot leur opinion sur l’intelligence de chacun de ces jeunes gens, en les qualifiant par exemple d’intelligents, de moyens, d’inintelligents. J’ai rapproché ensuite ces qualificatifs des résultats individuels obtenus et j’ai déduit de là d’une manière un peu grossière, mais en tout cas objective, le rapport cherché entre l’étendue de la mémoire immédiate et l’intelligence. A priori il est presque évident que l’intelligence est en rapport avec la mémoire immédiate, qu’elle implique au moins un degré moyen de cette mémoire : pourrait-on en effet concevoir qu’un jeune homme de vingt ans pût être à la fois intelligent et incapable de répéter par exemple 4 chiffres ? Celui qui d’autre part peut répéter 8 ou 9 chiffres sans erreur ne manifeste-t-il pas par là une activité, une étendue de pensée considérable ? Chez un idiot, paraissant avoir de quatorze à quinze ans, j’ai constaté un jour une réduction étonnante de la mémoire immédiate : il ne pouvait répéter sans faute que 2 chiffres, bien qu’il apportât beaucoup de bonne volonté à se laisser interroger sur ce point. Parmi les enfants sur lesquels ont été faites une partie des observations actuelles, il s’en est trouvé un qui, de l’avis unanime de ses maîtres, était complètement inintelligent, et qui de son côté ne pouvait répéter sans erreur que 3 chiffres, 3 lettres et 3 mots.

Résultats. — Dans le tableau qu’on va voir plus loin, les âges sont considérés année par année. Sont comptés comme ayant par exemple 8 ans tous les enfants âgés de plus de 7 ans et demi, et de moins de 8 ans et demi. Les moyennes pour chaque année ne sont pas établies d’après le même nombre d’individus. J’ai pu considérer, pour établir ces moyennes, 6 élèves de 8 ans, 13 de 9, 12 de 10, 6 de 11, 9 de 12, 7 de 13, 7 de 14, 5 de 15, 7 de 16, 9 de 17, 8 de 18, 7 de 19, et 8 de 20.

Le tableau ci-dessous se lit facilement. Il est divisé en 5 colonnes principales se rapportant aux chiffres, lettres, monosyllabes, disyllabes et trisyllabes. Chacune de ces colonnes se subdivise en plusieurs autres en haut desquelles se trouvent les chiffres 5, 6, etc. Ces chiffres indiquent que la série considérée est celle de 5, celle de 6 monosyllabes, etc. Au-dessous de ces chiffres indiquant la série viennent ceux qui expriment la proportion pour cent des cas où il y a eu répétition correcte de la série considérée. Cette proportion n’est pas relevée pour 5 chiffres, 5 lettres ni 4 mots : c’est que j’ai cessé, quand je suis arrivé aux jeunes gens de quatorze ans, d’interroger régulièrement sur ces séries, ayant constaté que les fautes ne se produisaient plus à l’égard de ces séries que très exceptionnelle-