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MORALE ET PSYCHOLOGIE 1


La question des rapports de la sociologie avec la psychologie aboutit, en fin de compte, à cette autre question qui la résume et la contient, pour ainsi dire, tout entière qu’est-ce que le phénomène social ?

Si, comme semble le croire l’école qui fait de l’âme collective le propre objet des études sociologiques, le phénomène social se confond avec le phénomène mental, il nous faudra rayer du dictionnaire scientifique le terme de sociologie, il nous faudra considérer l’effort de ce siècle pour fonder la nouvelle science comme un chapitre curieux dans l’histoire du développement de la psychologie.

Mais si, au lieu d’identifier le phénomène social avec le phénomène mental, nous envisageons le premier comme la cause ou une des causes déterminantes et productrices du second, nous pourrons conserver le terme de sociologie à côté de celui de psychologie. Nous assignerons à chacune de ces deux sciences une matière différente. Nous pourrons définir le phénomène social par un ensemble de caractères constants qui le différencieront du phénomène mental.

Dégageons ces traits essentiels. Nous estimons que le phénomène social précède le phénomène mental. En ce sens, il lui est extérieur. « Antériorité » et « extériorité », ces deux caractères sont fondamentaux. Ils tracent entre le fait social et le fait psychique une ligne ferme de démarcation. Une chose à la fois antérieure et extérieure à une autre se confondra difficilement avec celle-ci. Voilà pourquoi ceux qui, réagissant contre le courant psychologique, ont voulu donner à la sociologie une base positive ou objective, se mirent résolument à la recherche du fait antérieur et extérieur aux manifestations de l’esprit.

Un tel fait, ce n’est pas l’esprit lui-même, noumène qu’il serait puéril d’opposer au phénomène qui lui sert d’expression intégrale. Serait-ce donc la vie’ ? Une école naguère encore puissante et qui se réclame de Comte, de Darwin, de Spencer et du matérialisme


1. Nous publions sous ce titre une des leçons du cours sur la Constitution de l’éthique, donné par M. de Roberty à [’Université nouvelle de Bruxelles et a l’Ecole de morale de Paris (2e semestre de cette année).