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LES
CASTES ET LA SOCIOLOGIE BIOLOGIQUE

La Revue philosophique a publié dans son numéro d’avril un article de M. C. Bouglé sur la Sociologie biologique et le régime des castes. L’auteur y soulève la question de l’organicisme. « Les sociétés sont-elles des organismes, se demande-t-il, et les lois qui régissent ceux-ci s’appliquent-elles à celles-là ? » M. Bouglé dit que les arguments de l’ordre général, donnés par les partisans et les adversaires de cette théorie, n’ont pas pu trancher le débat. Il propose de recourir à une autre méthode pour vérifier la théorie organique. Au lieu de comparaisons générales, il lui semble préférable de recourir à quelque problème particulier. « Les théories se justifient par leur fécondité. Si, à tel problème sociologique défini, l’organicisme doit nous apporter une réponse précise, il a raison contre ses adversaires. S’il ne répond à la question posée que par des formules vagues, incapables de s’appliquer aux faits sociaux sans porter à faux, l’organicisme a tort et sa place est marquée au musée de l’histoire des sciences, entre les hypothèses inutiles et les métaphores dangereuses » (p. 337).

Or voici le mur au pied duquel M. Bouglé pose l’organicisme. Vous affirmez, dit-il, que les sociétés étant des organismes, les lois de la biologie doivent s’appliquer à la sociologie. Alors expliquez-nous comment l’évolution sociale se fait à l’inverse de l’évolution biologique. Les organismes inférieurs sont composés de parties qui peuvent mener une existence indépendante les unes des autres, qui forment des êtres pour ainsi dire complets. Puis, à mesure que les organismes se perfectionnent, leurs parties constituantes se soudent les unes aux autres et arrivent à perdre toute indépendance. Elles sont confinées dans un organe dont elles ne peuvent plus se détacher. Elles se subordonnent hiérarchiquement les unes aux autres et finissent par tomber sous l’autorité despotique du cerveau. Ainsi l’évolution biologique va d’une grande somme de liberté et d’égalité à une moindre somme. L’évolution sociale va en sens inverse. « C’est dans les sociétés primitives et rudimentaires que l’individu est étroi-