Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 50.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
ANALYSES ET COMPTES RENDUS


I. – Philosophie générale


Max Stirner. L’Unique et sa propriété. – Traduction et préface de Henri Lasvignes, xxix-471 pages in-8o. Paris. Editions de la Revue Blanche, 1900.

Max Stirner, mort en 1856, a longtemps attendu la célébrité. L’attention d’un public, peut être restreint mais enthousiaste, s’est enfin portée sur son œuvre et sur sa personne. Une plaque de marbre placée à Berlin sur la maison où il est mort qualifie de « livre immortel » l’ouvrage dont on nous offre aujourd’hui la traduction. On recherche les moindres œuvres du philosophe oublié et l’on travaille à reconstituer sa biographie. M. J. H. Mackay, malgré de louables efforts, n’y parvient qu’imparfaitement.

Nous apprenons pourtant, dit M. Lasvignes dans sa préface, que Stirner est né à Bayreuth, en 1806. Son père meurt bientôt, sa mère se remarie et habite Berlin : lui, reste d’abord avec son parrain dans sa ville natale, puis il suit les cours de Hegel et de Schleiermacher à l’Université de Berlin, et, quoiqu’il soit un élève « travailleur et appliqué », il ne peut parvenir au grade de docteur et s’établit professeur libre. Il se marie deux fois et enseigne dans un pensionnat de jeunes filles. Mais un peu avant l’apparition de « l’Unique » il quitte ces fonctions qu’il juge incompatibles avec la liberté de ses opinions. Il essaye diverses entreprises commerciales qui échouent, se voit abandonné de sa seconde femme, et meurt à cinquante ans d’une piqûre de mouche charbonneuse.

Que son livre soit immortel, il serait imprudent de l’affirmer ailleurs que sur une plaque commémorative, mais il mérite et méritera longtemps d’être connu. Les défauts n’y manquent pas, il est beaucoup trop long, diffus, trop farci de bavardage, et avec cela, il est intéressant, vigoureux, clair et il nous s’offre surtout ce mérite, auquel j’avoue être sensible, de nous fournir un type de doctrine très net et très poussé. C’est une systématisation à outrance de l’égoïsme, à peine déparée, peut-être, par quelques légères faiblesses, difficilement évitables. A vrai dire la doctrine y est plutôt affirmée que démontrée. L’analyse n’y est pas assez minutieuse, ni la discussion assez pénétrante et assez souple, la synthèse y est trop brusque, mais elle a une forme nette et hardie, et il est précieux, en somme, que toutes les conceptions soient poussées à bout, portées à leur maximum d’intensité.