soit les circonstances du milieu, soit le mouvement même dont était
animée déjà la réalité à laquelle il tentait de s’appliquer. Dans les cas
normaux où il sera maintenant considéré, il va au contraire s’exercer
d’une manière efficace ; il va comporter un pouvoir de réalisation et
d’adaptation, c’est-à-dire qu’il sera un moyen pour un être d’ajouter
quelque chose à sa personnalité, de la montrer sans la détruire, de la
déplacer sans la briser, » II s’agit donc de préciser en quoi consistent
au juste les cas normaux. M. de Gaultier arrive à conclure que « le
mode le plus favorable du bovarysme consiste pour un être à se
concevoir autre qu’il n’est, dans la mesure où cette conception nouvelle
est assez proche de l’ancienne pour pouvoir s’y ajouter. De la sorte le
bovarysme est le mode même de la croissance, un mode qui associe le
changement avec l’identique dans les proportions qu’il faut pour
former une réalité et la développer. ? Naturellement les limites dans
lesquelles le bovarysme peut être bon sont assez variables. La loi que
l’auteur juge vraisemblable est celle-ci « la possibilité de varier,
c’est-à-dire en langage psychologique, de se concevoir autre avec
efficacité sous le jour de la conscience, est d’autant plus étendu pour
un être — individu ou collectivité — que cet être a varié avec plus de
continuité depuis ses origines ; cette possibilité est d’autant plus
limitée que cet être est demeuré plus longtemps stationnaire à quelque
état de son évolution, c’est-à-dire qu’il a été maintenu sans variations
dans ce même état pendant un temps plus long. »
La quatrième partie de l’ouvrage : « le réel », ne contient, comme la seconde, qu’un seul chapitre. L’auteur y étudie le bovarysme comme moyen de production du réel. S’il n’y a pas de vérité objective, la croyance en une vérité objective n’en continue pas moins à gouverner l’humanité. « Principe de toutes les autres conceptions bovaryques, la croyance en une vérité objective qui ne parvient jamais à se satisfaire intellectuellement, est comme toutes ces autres conceptions le moyen de quelque chose, » Elle est le procédé d’invention du réel ; ce que nous avions commencé par juger une faculté de déformations de la réalité, doit maintenant nous apparaître ainsi qu’un pouvoir créateur. Et le travail d’association et de dissociation par lequel l’esprit engendre le réel a pour principe unique « l’utilité humaine sous l’un ou l’autre de ses deux aspects, il lui faut en sorte toujours supposer pour but de satisfaire une utilité de connaissance ou de satisfaire une utilité vitale ».
Ainsi, que l’on s’occupe d’une conception de l’ordre moral, politique, social ou religieux, il ne s’agit pas de la comparer avec un modèle idéologique d’une valeur présumée absolue, avec une idée divinisée de vérité ou de justice « dont on connaît qu’elle n’exprime autre chose qu’un état de sensibilité particulier et propre à un temps donné. Ce qui importe, c’est de considérer dans quelle mesure cette conception nouvelle est propre à s’agencer avec la réalité actuelle, — à la fortifier et à la développer si l’on se propose de favoriser cette forme du réel, — à la disso-