Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 65.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


DEUX TYPES D’IMMORALISME


Quand on examine d’un peu près les penseurs généralement considérés comme immoralistes, on remarque qu’il est possible de distinguer deux façons d’être immoraliste.

Pour faire cette distinction, nous nous placerons au point de vue de la manière dont les immoralistes ont conçu l’influence de la morale sur la conduite humaine. — Une première façon d’être immoraliste consiste à soutenir que cette influence est très faible, qu’elle est négligeable ou même tout à fait nulle. — Une seconde façon d’être immoraliste consiste à attribuer à la morale une forte emprise sur les âmes, une influence notable sur la conduite et sur la vie, mais à soutenir en même temps que cette influence est néfaste, tyrannique et odieuse, à se révolter contre elle et à la secouer furieusement comme un joug insupportable. — Dans le premier cas on insiste sur l’impuissance, l’inanité et comme l’irréalité de la morale ; dans le second, on insiste sur ses méfaits. Dans le premier cas on traite la morale par le dédain, comme une quantité négligeable ; dans le second, on la traite par l’exorcisme, comme un démon puissant et malfaisant qui obsède et tourmente l’humanité.

Il est clair que ces deux façons d’entendre l’immoralisme sont contradictoires entre elles. Car si la morale est impuissante, indifférente et inoffensive, il est vain et ridicule de fulminer contre elle.

Nous allons essayer de caractériser ces deux types d’immoralisme ; de voir à quelle sorte de sensibilité et d’intellectualité ils correspondent et aussi quelle vérité relative ils peuvent contenir.

La définition que nous avons donnée de l’immoralisme du premier genre est une définition très générale et par suite un peu vague. Elle se précisera par l’exposé des conceptions particulières qui rentrent sous cette rubrique.

I. Le père de l’immoralisme entendu dans le premier sens est le