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cas où l’on admettrait ces vues, simplement évolutionnistes d’ailleurs.

Les procédés jugés absolus par les méthodologistes, c’est-à-dire la déduction et l’induction, présupposent une construction particulière du cosmos dont il est possible de retrouver les traits dans les deux bibles logiques du rationalisme, celle de l’antiquité, les Analytiques aristotéliciennes, comme celle des temps modernes, le Novum organum baconien. La seule différence de l’une à l’autre, c’est que la première insiste sur le procédé déductif, la seconde sur le procédé inverse ou inductif, mais au fond le cosmos que la science a pour objet de débrouiller se présente pour Aristote comme pour Bacon, sous le même aspect, ainsi qu’un ensemble de concepts plus ou moins étroitement noués, et reliant les individuations éparses. En possession du concept, c’est-à-dire de l’Un, il est aisé de descendre au multiple, et c’est la déduction. En possession du multiple, il est aisé également de monter jusqu’à l’Un, c’est-à-dire au concept, et c’est l’induction. On conclut que la pensée est susceptible de pénétrer l’univers, parce que l’univers lui-même est une pensée, un système de concepts noués selon les lois de notre intellect. La science ancienne considérait ces concepts au point de vue logique seulement, c’est-à-dire sous forme d’essences. La science moderne, entrant plus avant dans le cosmos, donne aux relations, saisies de façon très superficielle jusqu’alors par la dialectique, une forme mathématique, autant qu’il lui est possible de le faire. Il semble par ce moyen que la pensée communie presque avec le cosmos et l’intelligence s’accroît, à mesure que s’affirme la possibilité d’exprimer en formules ces relations jadis si ténébreuses. L’adaequatio rei et intellectus, rêve éternel du platonisme, plus vivant que jamais, paraît devoir s’opérer par le prestige de l’analyse mathématique, attachée à réduire les complexités de l’univers.

Par malheur pour les enthousiastes de la réduction, ceux qui à la suite de Platon seraient disposés à considérer comme un axiome le principe si discutable tout est idée, les formules en qui l’on admirait naguère la rigidité des pensées de Dieu, se mettent à osciller de façon inquiétante. Et l’on se demande depuis Kant si au