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tité comparative de travail nécessaire à leur production, peut être modifiée par l’appropriation des terrains et le paiement d’une rente. Il entre dans la composition de presque toutes les marchandises une certaine source de produits agricoles, dont la valeur, aussi bien que celle du blé, est réglée par la faculté productive de la dernière portion de capital engagée dans la terre, de celle qui ne paie pas de rente. La rente n’est donc point un élément du prix des denrées[1].

Nous avons jusqu’ici étudié les effets du progrès naturel de la richesse et de la population sur la rente dans un pays dont les terres ont différents degrés de force productive, et nous avons vu qu’à chaque portion additionnelle de capital qu’on est obligé d’employer à la culture, et dont le produit est moins profitable, la rente hausse. Il résulte des mêmes principes que si, par quelques modifications dans l’état social, il devenait inutile d’employer autant de capital à

  1. Entendons-nous. Si l’auteur veut dire que le profit foncier, le revenu du propriétaire, ne fait pas partie de ce que Smith appelle le prix naturel des choses, c’est-à-dire du montant des frais nécessaires de leur production, il peut avoir raison (sauf la restriction contenue en la note précédente).

    Si l’auteur veut dire que le revenu du propriétaire ne fait pas partie du prix courant des choses, de ce prix auquel le balancement de la quantité demandée avec la quantité offerte porte les choses, il me semble être dans l’erreur. La faculté productive du sol, du moment qu’elle est devenue une propriété, me semble être du même genre que la faculté productive du travail, qui est la propriété du travailleur. Les facultés de l’homme elles-mêmes, sa force musculaire, et même sa force d’intelligence, ne sont-elles pas un don gratuit de la nature, comme les facultés du sol ?

    Que si M. Ricardo prétendait que la demande des produits territoriaux ne va jamais au delà des facultés productives du sol, c’est-à-dire au delà des produits que peuvent fournir toutes les terres, les mauvaises comme les bonnes, je répondrais que je n’en vois pas la raison ; que les circonstances du pays peuvent être telles que les produits du sol, nécessairement bornés, soient toujours à un prix monopole qui assure au propriétaire des plus mauvaises terres un profit foncier ; que les capitaux ne peuvent pas être attirés vers ces produits, et les multiplier au delà des bornes que leur opposent l’étendue du pays et la fertilité de son sol, et qu’en supposant même que l’on regardât le commerce étranger comme un supplément suffisant à la production du pays, il resterait toujours à payer le profit foncier du propriétaire étranger ( qui n’est pas plus disposé que le propriétaire indigène à céder pour rien le concours de ses terres), sans parler des frais et des risques du commerce étranger. Enfin, l’expérience nous apprend que dans les pays populeux et productifs, les plus mauvaises terres, du moment qu’elles sont cultivées, rapportent toujours quelque fermage, et par conséquent quelque revenu foncier. — J. B. Say.