Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/128

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des ouvriers continuera à s’accroître dans une progression un peu plus rapide que celle de la demande. Si, par exemple, les salaires étaient réglés sur un accroissement annuel de capital, représenté par 2 pour cent, ils tomberaient lorsque le capital n’augmenterait plus qu’à raison de 1 et demi pour cent. Ils baisseraient encore davantage quand cet accroissement ne serait plus que de 1 ou de demi pour cent ; et cette baisse continuerait jusqu’à ce que le capital devînt stationnaire. Les salaires le deviendraient aussi, et ils ne seraient que suffisants pour maintenir la population existante. Je soutiens que, dans de pareilles circonstances, les salaires doivent baisser, par le seul effet de l’offre et la demande des bras ; mais il ne faut pas oublier que le prix des salaires tient aussi à celui des denrées que l’ouvrier a besoin d’acheter.

À mesure que la population augmente, ces denrées iront toujours en augmentant de prix, — plus de travail devenant nécessaire à leur production. Si les salaires, payés en argent à l’ouvrier, viennent à baisser pendant que toutes les denrées à l’achat desquelles il dépensait le produit de son travail haussent de prix, il se trouvera doublement atteint, et il n’aura bientôt plus de quoi subsister. C’est pourquoi, au lieu de baisser, les salaires en argent hausseraient, au contraire, mais pas suffisamment pour permettre à l’ouvrier d’acheter autant de choses nécessaires ou utiles qu’il pouvait le faire avant le renchérissement de ces denrées. Si ses salaires étaient annuellement de 24 liv. st., ou de six quarters de blé quand le blé valait 4 livres le quarter, il ne recevrait probablement plus que la valeur de cinq quarters, lorsque le blé serait à 5 livres. Mais ces cinq quarters coûteraient 25 liv. ; il recevrait donc des gages plus forts en valeur, et cependant il ne pourrait plus acheter une quantité de blé et d’autres denrées égale à celle qu’il était dans l’habitude de consommer auparavant, lui et sa famille[1].

    l’enserre de toutes parts, l’étouffe. Il le sait, et voyant que la sueur ne suffit plus à féconder, pour lui, sa patrie, il veut essayer du sang, et le sang coule. A. F.

  1. Il est impossible de ne pas protester hautement contre des conclusions presque fatidiques et qui emporteraient condamnation de tout notre système économique. Il a fallu même bien du calme à Ricardo pour n’avoir pas été saisi de vertige, n’avoir pas senti trembler sa main au spectacle du sort que l’avenir réserve, selon lui, aux travailleurs. À ses yeux, les classes ouvrières marchent fatalement vers un abîme que la civilisation couvre habilement de fleurs, mais au fond duquel est la mort : à nos yeux, au contraire, elles s’élèvent à des destinées meilleures et se font chaque jour une place plus large dans le pouvoir et le