Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/191

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En premier lieu, le blé et toutes les denrées de l’intérieur ne peuvent hausser de prix d’une manière un peu sensible sans une plus grande affluence des métaux précieux ; car la même quantité d’argent ne peut pas servir à la circulation de la même quantité de marchandises, quand elles sont chères, et quand elles sont à bon marché, et l’on ne peut jamais acheter les métaux précieux avec des marchandises chères. Quand il faut plus d’or, c’est en donnant en échange plus de marchandises, et non en en donnant moins, qu’on achète ce métal ; et on ne saurait suppléer au numéraire par le papier-monnaie, car ce n’est point ce papier qui règle la valeur de l’or, considéré comme marchandise, c’est au contraire l’or qui règle la valeur du papier. À moins donc qu’on ne puisse faire baisser la valeur de l’or, l’on ne saurait ajouter du papier-monnaie à la circulation sans qu’il soit déprécié.

Pour sentir que la valeur de l’or ne saurait baisser, il suffit de réfléchir que sa valeur, comme marchandise, dépendra de la quantité de marchandises qu’on est dans la nécessité de donner en échange aux étrangers pour avoir de l’or. Quand l’or est à bon marché, les denrées sont chères ; quand l’or est cher, les denrées sont à bon marché et baissent de prix. Et, comme on ne voit pas de motif qui puisse engager les étrangers à nous vendre leur or à meil­leur marché que d’ordinaire, il ne paraît guère probable qu’il puisse y avoir une importation d’or étranger. Or, sans cette importation, l’or ne peut augmenter de quantité ni baisser de valeur, et le prix général des marchandises ne saurait éprouver de hausse[1].

  1. La raison pour laquelle les impôts sur les produits immédiats de l’agriculture ne font pas renchérir les objets d’exportation ne paraît pas être celle qui est assignée ici par l’auteur. Il prétend que, pour que ces denrées fussent plus chères, qu’elles se payassent de plus d’argent, il faudrait qu’il y eût, en raison de cela, plus d’argent introduit, ce qui est inadmissible. Mais elles peuvent être plus chères sans que l’argent perde de sa valeur générale. Quand la récolte est mauvaise, et que le prix du blé vient à doubler, on le paie le double en écus, quoique le nombre des écus soit demeuré le même dans le pays ; de même qu’on le paie d’une double quantité de sucre, de toile, de savon, de toute autre marchandise. C’est-à-dire que si le blé vaut 6 l. st. le quarter, le fabricant de drap, par exemple, est obligé de vendre quatre aunes de son drap, qui vaut 30 sch., pour obtenir l’argent qui achètera un quarter de blé, tandis qu’il ne serait obligé d’en donner que deux aunes pour le même quarter, si le quarter était à 3 liv. st. On ne peut pas dire qu’il faut que la quantité de drap ait doublé dans le pays, pour qu’on en donne ainsi le double en échange d’une mesure de blé. De même