Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/72

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une pareille estimation de tout le travail employé à la production de ces objets eux-mêmes, réglera également la quantité qui doit en être donnée pour les bas[1].

Pour nous convaincre que c’est là le fondement réel de toute valeur échangeable, supposons qu’il ait été fait un perfectionnement qui abrége le travail dans une des différentes opérations que le coton brut doit subir, avant que des bas de coton puissent être apportés au marché pour être échangés contre d’autres objets ; et observons quels en seraient les effets. S’il fallait effectivement moins de bras pour cultiver le coton et pour le récolter ; si l’on employait moins de matelots pour manœuvrer, ou moins de charpentiers pour construire le navire qui doit nous le porter ; si moins de personnes étaient employées à construire les bâtiments et les machines ; ou si après leur construction on en augmentait la puissance, les bas baisseraient infailliblement de prix, et par conséquent on ne pourrait plus les échan-

  1. M. Ricardo paraît n’avoir pas compris là-dedans les profits ou l’intérêt des capitaux comme partie constituante du prix des choses. Lorsqu’un acheteur paie la valeur d’une partie de bas, et que le travail du planteur qui a cultivé le coton, le travail du négociant qui l’a fait venir en Europe, le travail même du constructeur qui a bâti le navire, qui a construit les métiers du fileur, du tisserand ; lorsque tous ces travaux, dis-je, font partie du prix des bas, il n’y a encore rien dans ce prix pour payer l’usage des différentes portions de capitaux qui ont servi durant l’exercice de tous ces travaux. Et remarquez bien que lorsque je dis l’usage des capitaux, je ne veux pas dire seulement leur détérioration, la dépense nécessaire pour conserver aux instruments aratoires, aux navires, aux machines, leur entière valeur. Je suppose qu’il n’y a nulle détérioration dans la valeur capitale, et que les fonds qui ont servi dans ce commerce et dans ces manufactures sont, après la production, en raison de l’entretien et de la restauration des valeurs employées, égaux à ce qu’ils étaient lorsqu’on a entrepris cette production. Je dis que l’intérêt de ce capital n’est point encore payé indépendamment de l’acquittement de tous ces frais ; il faut nécessairement que cette production paie le profit ou l’intérêt de ces mêmes capitaux, et par conséquent que l’intérêt du capital fasse partie du prix des choses produites. On en peut dire autant du revenu des propriétaires fonciers (rent of land). Par suite, M. Ricardo ne comprend point, dans ce qu’il nomme, d’après Smith, le prix naturel des choses, ni l’intérêt du capital, ni les profits du fonds de terre qui ont concouru à leur production. Cependant le concours du fonds capital et du fonds de terre est tout aussi indispensable pour la production que le concours des facultés industrielles ; les propriétaires des facultés productives du capital et des terres ne fournissent pas gratuitement ce concours, puisque l’un retire un intérêt et l’autre un fermage. Cet intérêt et ce fermage font bien nécessairement partie du prix des produits, puisque les frais de production ne peuvent être payés qu’avec le prix des produits qui en résultent. — J.-B. Say.