Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/212

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la rente, ou bien s’il en sera indemnisé par le plus haut prix des produits de sa ferme. Par les raisons que j’ai déjà données, il me parait certain que l’effet de ces impôts serait de faire hausser le prix des produits, et par conséquent que Adam Smith a considéré cette question importante sous un faux jour.

Cette manière de voir de Smith est probablement ce qui lui fait dire que « la dîme et tout autre impôt sont, sous l’apparence d’une égalité parfaite, des impôts extrêmement inégaux ; une portion fixe du produit étant, suivant la différence des circonstances, l’équivalent de portions très-différentes du fermage. » Je me suis attaché à montrer que de tels impôts ne pesaient point d’une manière inégale sur les différentes classes des fermiers et des propriétaires, les uns comme les autres se trouvant dédommagés par la hausse du prix des produits du sol, et ne contribuant à l’impôt qu’en proportion de ce qu’ils consomment de ces produits[1]. Il y a même plus ; car, en tant que les salaires éprouvent des variations, et que, par l’effet de ces variations, le taux des profits est changé, la classe des propriétaires, bien loin de fournir tout son contingent pour l’impôt, est précisément la classe qui en est particulièrement exemptée. C’est la part des profits du capital, enlevée par l’impôt, qui retombe sur les cultivateurs, lesquels, par l’insuffisance de leurs fonds, ne peuvent pas payer des impôts. Cette portion pèse exclusivement sur toutes les personnes qui tirent leur revenu de l’emploi d’un capital, et par conséquent elle n’a aucun effet sur les propriétaires.

Il ne faut pourtant pas inférer de cette manière d’envisager l’effet de la dîme et des impôts sur la terre et sur ses produits, que ces impôts ne découragent pas la culture des terres. Tout ce qui augmente la valeur échangeable des denrées de toute espèce pour lesquelles il y a une forte demande générale, tend à décourager la culture, ainsi que la production ; mais c’est là un mal inhérent à

  1. M. Ricardo part toujours du principe qu’on est loin de lui accorder, que l’impôt sur les premiers produits, et que l’impôt en nature, comme la dîme, ne tombent pas sur le propriétaire foncier, mais bien sur le consommateur. C’est qu’il admet pour la fixation des prix d’autres bases que la quantité offerte et la quantité demandée de chaque chose en chaque lieu, quoiqu’il n’y en ait point d’autre. C’est sur ce fondement que Smith a justement établi que l’impôt sur les terres, aussi longtemps qu’il n’altère pas la qualité et la quantité des produits livrés à la consommation, n’en fait pas hausser le prix, et par conséquent n’est pas payé par le consommateur. — J.-B. Say.