Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/496

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

colte classerait l’Angleterre dans le cas supposé, p. 402, où une nation, privée d’une partie de ses marchandises, ne demande plus qu’une somme de numéraire très-amoindrie. La circulation qui effectuait auparavant ses paiements, deviendrait actuellement sur abondante et à bon marché dans le rapport même du cinquantième de la production réduite. En exportant ce quantum on ramènerait donc la circulation anglaise à la valeur des circulations étrangères. Je crois ainsi avoir suffisamment prouvé qu’une mauvaise récolte n’agit sur les changes qu’en exagérant le niveau de la circulation : d’où il suit que l’on peut toujours rapporter un change défavorable à une circulation relativement surabondante.

Admettons, s’il se peut, qu’en face d’une mauvaise récolte qui force l’Angleterre à des importations exceptionnelles de blé, l’abondance la plus large règne chez une autre nation. Si nous supposons encore que cette nation n’a besoin d’aucun article, quel qu’il soit, il est indubitable qu’elle ne voudra pas échanger son blé contre des marchandises ; mais elle n’exporterait pas davantage son blé contre de l’argent, puisque la monnaie n’a pas une utilité absolue, intrinsèque, mais bien relative, comme l’ont expressément reconnu les rédacteurs. Cette hypothèse est toutefois inadmissible, car une nation pourvue de toutes les marchandises nécessaires à la consommation, aux jouissances de ses habitants, aptes à les acheter, ne consentira jamais à laisser pourrir dans ses greniers le blé qu’elle a recueilli au delà de ses besoins.

Tant que le penchant de l’accumulation subsistera dans le cœur de l’homme, il sera jaloux de transformer en capital l’excédant de ses productions sur sa consommation. Or il ne peut atteindre ce but qu’en occupant lui-même, ou en permettant à d’autres, au moyen de prêts, d’occuper un nombre additionnel de travailleurs : puisque c’est par le travail seul qu’on transforme le revenu en capital. Si son revenu consiste en blé, il sera disposé à l’échanger pour des comestibles, de la viande, du beurre, du fromage et mille autres marchandises dans lesquelles se métamorphosent journellement les salaires du travail. En d’autres termes, il vendra son blé contre de l’argent, il paiera les salaires de ses ouvriers, et créera ainsi le besoin des marchandises mêmes qu’il peut obtenir de l’étranger en échange de son superflu en blé. Ces retours lui porteront des objets plus précieux qu’il pourra encore appliquer au même but, ajoutant ainsi à sa propre fortune et multipliant la richesse et les ressources de son pays.