Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/29

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aisé de l'expliquer à qui ne l'a veu.

Il y a encor une autre façon d'imprimer ce qui est une fois gravé sur le marbre, ou sur le bois. Pour exemple, il y a quelque epithaphe, ou peinture engravée dans un marbre plain. ayant mis par dessus une fueille de papier humide, & un drap entre deux, on frappe dessus avec un maillet si lon temps que le papier subtil entre dans les traces vuides de la peinture, ou des characteres, en apres d'une main legere, on passe de l'encre, ou quelque autre couleur qu’on veut sur ceste fueille, & ces seulz lineamens demeurent en leur blancheur, & ressemblent assez bien la première forme. Mais ceste façon requiert des traicts grossiers, & ne se peut accommoder aux traicts d'une table subtile.

C'est un peuple fort adonné à la peinture (dont ilz se servent souvent en leurs artifices) mais ilz ne sont nullement comparables aux peintres de l'Europe, & encor moins aux tailleurs d'images ou fondeurs. Ilz embellissent des voultes & arcs magnifiques de figures d'hommes & animaux, & parent leurs temples de simulacres des faux dieux, & de cloches d'airain. Et certes, si je ne me trompe, ce peuple autrement tres-ingénieux me semble estre ainsi grossier en ces artifices, d'autant qu’ilz n'ont jamais eu aucune fréquentation avec les estrangers pour ayder leur nature par l'art, qui en autre chose ne cède en rien à aucune autre nation. Ilz ne sçavent que c'et d'embellir les peintures d'huyle, ou d'hombrages ; & pour ce semblent elles plus mortes que vives. Ilz me semblent aussi rencontrer mal aux statues, en la taille desquelz ilz mesurent tous les preceptes de la proportion à l'œil seul, qui souvent se trompe & commet des fautes non petites en des grands corps. Mais pour cela ilz ne laissent pas de faire des masses lourdes de monstres de cuyvre, de marbre, & de terre. Toutes les cloches sont sonnées avec des battans de bois, & semblent ne pouvoir souffrir ceux de fer, aussi ne peuvent elles estre accomparées aux nostres quant au son.

Ilz ont diversité, & quantité d'instrumens de musique ; mais ils manquent d'orgues & d'espinetes, & de tous semblables instrumens, ilz mettent à tous leurs instrumens des cordes de soye crue retorte ; & ne sçavoient pas seulement qu’il s'en peust faire des boyaux des animaux. Toutefois la symmetrie en la composition des instrumens se rapporte à la nostre. Or tout l'art de musique consiste au ton d'une seule voix. Ilz ignorent entièrement l'accord discordant de diverses voix, & toutefois ilz se flattent fort eux mesmes en leur musique, qui au jugement superbe de noz oreilles semble estre dutout de mauvais accord. Et jaçoit qu’ilz se donnent les premières louanges pour le chant de la musique, si admirent-ilz noz orgues, & autres instrumens qu’ilz ont ouys