Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/6

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AU LECTEUR.


Lecteur debonnaire, je n’ay pas adopté ce livre mis en lumiere apres la mort du P. Matthieu Ricci en intention de luy changer de Pere avec tant d’inegalité, mais afin de vous faire cognoistre son vray & propre autheur dez sa naissance ; car le discours suivant ne contient quasi autre chose que le reste de sa vie, tant il a seul, sur tous autres, courageusement poursuivi les premiers desseins de cette expedition, & avancé avec autant de confiance le bien d’icelle jusqu’à sa mort.

Le P. Matthieu Ricci Italien est né à Macerata en la marche d’Ancone, de maison noble, l’an 1552, le 6e jour d’Octobre, ou il a apprins les premiers rudimens de Grammaire entre les siens, ayant pour maistre le P. Nicolas Beniuigui prestre seculier, qui du depuis est entré en nostre Compagnie. En apres il a esté plus particulièrement instruict ez bonnes lettres parmy les nostres en un College fondé en ce mesme lieu, enquoy certes il s’est rendu excellent. Puis estant parvenu à l’aage de seize ans, son père l’envoia à Rome pour estudier. Il employa donc là pres de trois ans a l’estude des loix, & encor que par le commandement de son pere il semblast pendant ce temps l’occuper à choses esloigneez de nostre profession, neantmoins ayant une fois comis le soin de cultiver son esprit aux Peres de Macetata, il continua toujours d’en faire autant à Rome. Car ayant esté receu en la congregation de l'Annonciation de la Vierge, il reglait toutes ses actions pieuses selon la volonté des Peres qui en avoient la conduite. Et apres le Seigneur l’ayant esleu, il demanda d’estre receu en la Compagnie de JESUS (à laquelle dez son enfance il avoit dressé ses pensees à Macerata) ce qui luy fut accordé au temps que le P. Hierosme Natalis estoit a Rome, substitué en la place du P. François Borgia Général de nostre Ordre, pendant son absence lors qu’il s’en alloit faire une reveue en Espagne. Il entra en la Compagnie le jour de l'Assomption nostre Dame. Et encor quil sceust que les desseins de son pere estoient tous autres, il ne se laissa neantmoins vaincre à la chair, ny au sang, ains advertit son pere de son entrée en la Compagnie par lettres propres à la luy faire approuver. Il fut tellement estonne par ce message, qu’il se mit aussi-tost en chemin pour aller à Rome, car il estoit resolu de le retirer hors du Nouviat. Il arriva donc le premier jour à Tolentino, ou estant subitement saisi d’une fiebvre il sentit que la vengeance de Dieu le suivoit ; c’est pourquoy ne voulant plus resister à sa volonté il s’en retourna en sa maison, & escrivit à son fils, qu’il vouloit, comme il estoit raisonna, se conformer à ce qu’il plaisoit à Dieu.

Estant au Novitiat le P. Alexandre Valignanus fut son maistre : lequel du depuis a gouverné avec tres-grande reputation l’espace de plusieurs années la Compagnie aux Indes, & particulièrement au Japon, & en la Chine. En apres il a estudié en Philosophie, & Theologie au College de Rome, jusqu’en l’an 1577, que le Pere Martin à Sylu Procureur des Indes Orientales vint à Rome, par l’assistance duquel avec quelque