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femmes domestiques revestues de dueil, mais couvertes d’une courtine. C’etaussi chose coustumiere, & mise en usage par les Sacrificateurs des Idoles, de brusler du papier plié en certaine façon, voire aussi des draps de soye blancs. Ce qu’ilz font croyans qu’ilz baillent un habit aux defunctz, pour tesmoignage de bien vueillance, & amitié.

Les filz gardent souvent les corps morts de leur parens trois ou quatre ans en la maison enfermez dans le cercueil  : car ilz remplissent & garnissent tellement toutes les fentes avec leur luisant betume, que la mauvaise odeur ne s’en peut aucunement exhaler. Pendant lequel temps ilz leur presentent tous les jours à manger & à boire, comme s’ilz estoient vivans  : & les filz pendant ce temps ne s’assoient pas dans leurs chaizes accoustumées, mais sur un escabeau bas couvert de blanc ; ilz ne dorment pas aussi dans leurs lictz, mais sur des paillasses posées sur la terre pres du cercueil du mort. C’est crime de manger de la chair, ou quelque autre viande bien apprestée ; ilz ne boivent pas de vin, ni ne se baignent, & mesme ilz s’abstiennent de la compagnie de leurs femmes, il ne leur est pas permis de se trouver en festins, ni de sortir en public pendant certains mois. Ce que quand ilz font, ilz couvrent aussi leurs selles à bras de draps de dueil, & font beaucoup d’autres choses qu’il seroit trop long de reciter. Ilz retranchent neantmoins tousjours quelque chose de ceste austerité, selon que le terme des trois anneez approche de plus pres.

Le jour que le corps est emporté, les parens & amis conviez par un autre livret s’assemblent derechef tous revestus de blanc en habit de dueil, pour honorer la pompe funèbre. Icelle s’ordonne à la façon d’une procession, plusieurs statues d’hommes, femmes, elephans, tigres et lyons, toutes de papier, mais de diverses couleurs, & dorées sont portées devant, qui puis apres sont toutes bruslées devant le tombeau. Les ministres aussi & faiseurs de prières prophanes accompagnent le dueil d’une longue suitte. Iceux font plusieurs cérémonies par les chemins, & sonnent des tambours, flustes, cymbales, clochettes, & autres instrumens de musique. Des porte-faix aussi portent devant des grands encensoirs de fonte sur leurs espaules. En apres vient le cercueil orné de grande pompe. Car il est emporté soubz un grand pavillon, diversement estoffé, & enrichy de crespes fins, par quarante & souvent cinquante fossoieurs  : les filz le suyvent marchans à pied, mais s’appuyans sur des bastons, & comme estans desja foibles à force de dueil  : en apres suyvent les femmes tellement enfermées das des courtines portatives, qu’elles ne peuvent pas estre veues  : il y a aussi des autres femmes plus esloignées de parenté qui sont portées sur les selles funebres. Or il faut