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guerre ; ilz marchent devant les deux chevaux ; & les piétons (ou pions) suyvent apres, qui en ces deux cellules devancent d’une. Cete pièce va quasi de mesme façon que noz chevaux ou Elephans. Elle n’attaque toutefois pas le Roy conducteur de l’armee ennemie, si ce n’est qu’entre-elle & le Roy qui est attaqué il y ait une autre pièce, ou des siennes, ou de celui contre qui on jouë : & ainsi le Roy attaqué peut eviter le mal en trois façons. Premièrement (à fin que je parle ainsi) en esquivant légèrement du corps, & se retirant d’une fuite honeste en la prochaine demeure ou cellule ; secondement opposant un autre piece au devant ; finalement en se descouvrant entierement le costé, commandant à son soldat duquel il estoit couvert de se retirer.

Il y a entr’eux une sorte de jeux fort serieux qui est tel. Plusieurs jouent sur un damier de trois cens cellules, avec deux cens pieces (ou dames) desquel les unes sont blanches, les autres noires. Avec ces pieces l’un tasche de ranger les pieces de l’autre au milieu du damier, afin que par apres il commande aux autres cellules. Enfin celuy qui s’est emparé de plus de cellules au damier est appellé vainqueur. Les Mandarins se plaisent extremement à ce jeu, & passent souvent la plus grande partie du jour en jouant ; car entre bons joueurs un jeu dure souvent une heure entiere. Celuy qui entend bien ce jeu, encor qu’il n’excelle en aucune autre chose, est honoré, & convié de tous. Voires quelques-uns le coisissent pour maistre avec les ceremonies accoustumées, à fin qu’ils apprennent de lui bien exactement toutes les particularitez de ce jeu.

On peut juger qu’il sont un peu tardifs en la punition des crimes, principalement au larrecin si ce n’est qu’on l’ait commis deux fois  : car on ne le punit jamais de mort. Au deuxiesme larrecin, ils bruslent d’un cautere & ensemble marquent avec de l’encre deux characteres au bras, par lesquels ils monstrent qu’il a esté convaincu de larrecin pour la deuxiesme fois. Celuy qui est surpris au troisiesme est cauterisé au visage avec le mesme fer. Si derechef il est trouvé en mesme faute, toutes les fois qu’il y est surpris, il est selon la grandeur du crime plus ou moins fouetté, ou condamné aux galeres pour le temps ordonné par les loix. C’est pourquoy tout le pays est plein de larrons, principalement de l’ordure du peuple.

Il y a en chaque ville plusieurs milliers d’hommes qui de nuict font la garde par les rues, et par certains entrevalles font la ronde par tout, sonnans un bassin ; & encor que quasi toutes les rues de nuict soyent fermeez de grilles des fer, & de barrieres, neantmoins bien souvent les larrons de nuict volent des maisons entières. Cela arrive d’autant qu’il faudroit bailler des gardes aux gardes mesmes, pource qu’ilz sont