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Chinois. Car nous parlerons expressement en autre lieu des vestiges des Sarazins, Juifz, & aussi des Chrestiens en la Chine.

Les livres des Chinois comptent trois sectes au monde : car ilz n’en cognoissent pas d’autres. La premiere est des hommes lettrez, l’autre est Sciequia, ilz appellent la troisiesme Laucu. Tous les Chinois, & les autres peuples voisins qui ont les characteres des Chinois, font profession de l’une de ces trois. Or ces peuples sont les Japons, Corians, Leuqui & Cocincinois. La secte des lettrez est la propre des Chinois, & tres ancienne en ce Royaume. Cete-ci gouverne la Republiques plusieurs livres. & est estimée par dessus toutes les autres. Les Chinois ne font pas chois de la loy de cete secte, ains ilz la reçoivent ensemble avec l’estude des lettres : & n’y a aucun de ceux qui estudient, ou qui acquièrent des honneurs literaires, qui ne face profession d’icelle. Ilz recognoissent Confutius duquel j’ay parlé ci-dessus, pour auteur & Prince des Philosophes. Or cete secte n’adore pas les idoles, voire mesme elle n’en a pas. Elle adore une seule deité, pource qu’elle croit que toutes ces choses inférieures sont maintenues & gouverneez par icelle. Elle adore aussi les espris : adore un mais avec moindre cult, & leur attribue moins de puissance. Les vrais lettrez n’enseignent ni la manière de la creation du monde, ni l’auteur ni le temps d’icelle. J’ay dit les vrais, pource qu’il y en a quelques uns moins fameux, qui proposent certains songes, mais fabuleux, & qui n’ont aucune vrai semblance, & ausquelz aussi pour cest occasion on n’adjouste aucune foy. En cete loy il est discouru de la recompense des bons, & des mauvais : mais ilz croyent, la plus part qu’elle est donnée en ceste vie, & qu’elle revient ou à l’auteur, ou à sa posterité selon ses merites. Les anciens à peine semblent avoir douté de l’immortalité des ames, car ilz parlent souvent, & aussi long temps apres la mort, des trespassez & de ceux qui sont ez cieux : mais des peines des meschans qui sont aux enfers il ne s’en dit mot. Mais les nouveaux lettrez enseignent que les ames meurent ensemble avec les corps, ou peu apres : & ainsi seulement ilz ne donnent aucun lieu au ciel, ni aux enfers pour la punition des meschans. Cela semble trop dur à quelques-uns, & pource ilz asseurent que les seules ames des bons vivent apres la mort parce qu’ilz disent que les espris des hommes se renforcent par l’exercice de la vertu, & s’unissent de sorte qu’ilz peuvent en apres durer long temps. Ce que les meschans ne pouvant faire, que leurs ames aussi-tost qu’elles sont sorties du corps s’esvanouissent, & se reduisent comme en fumée.

L’opinion toutefois la plus commune de ce temps me semble estre tirée de la secte des idolatres, & avoir esté introduite depuis cinq cens ans. Icelle asseure que cet Univers est composé d’une seule & mesme