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en lumière. Il en est de même de ceux qui suivent cette grande phase historique. C’est le procès de la dispersion des Acadiens que Richard entend refaire, et son travail est surtout un travail d’analyse et de discussion. C’est un débat auquel des pièces nombreuses, souvent neuves, quelquefois imprévues, sont apportées, où de nombreux témoignages sont discutés, mais où la dialectique et l’âpreté de l’enquête n’ôtent rien à la conscience de l’enquêteur ou à la solidité de ses jugements.

M. de Monts fonde Port-Royal en 1605, et Marc Lescarbot écrit ces paroles si françaises : « Le Sieur de Poutrincourt ayant trouvé le lieu à son gré, il le demanda avec les terres y continentes au sieur de Monts ; ce qui lui fut octroyé et, depuis, en a pris lettres de confirmation de Sa Majesté, en intention de se retirer avec sa famille pour y établir le nom chrestien et françois tant que son pouvoir s’étendra… »

L’expédition, partie le 7 mars 1604, avait à bord cent vingt engagés et ouvriers divers. C’est la première tentative de colonisation faite en Amérique, il me semble, quoique la nation acadienne n’ait vraiment pris naissance qu’en 1632. Port-Royal devait jouer en Acadie un rôle analogue à celui de Québec dans la Nouvelle-France. « C’est à Port-Royal, dit Richard, que les aventuriers devaient organiser des expéditions contre la Nouvelle-Angleterre, c’est contre Port-Royal également que devaient être dirigées les attaques des Anglais contre les Français. C’était un champ favorable à l’attaque et à la défense. Que les deux nations, l’Angleterre et la France, soient en guerre ou en paix, il n’importe. Un grief quelconque, un simple prétexte suffit pour allumer les hostilités. Les Bostonais et les Acadiens luttent pour leur propre compte, ajoutant ainsi la guerre intérieure à la guerre extérieure. Le siècle qui précède la chute finale de Port-Royal, en 1710, et celle de toute l’Acadie, trois ans plus tard, est rempli d’événements tragiques tels qu’on les dirait tirés de l’épopée ou de la légende ; mais ces gestes sont peu faits pour avancer l’œuvre de la colonisation. Fait important et touchant à la fois, dès les débuts de ce pays, l’on voit se former une alliance entre Français et Indiens qui fait le plus grand honneur à l’humanité des premiers colons de France, nos ancêtres. « L’histoire des Acadiens a cela de particulier, dit Rameau, que jamais la bonne harmonie ne fut troublée entre eux et les Micmacs. Pendant cent cinquante ans, il est sans exemple qu’un seul coup de fusil, une seule discussion ait troublé l’alliance des Acadiens et de leurs sauvages amis. »

En 1613, Port-Royal, qui n’a encore que huit ans d’existence, est assiégé et pris par les Anglais, mais pour revenir à ses premiers maîtres, en 1632, par le traité de St -Germain-en-Laye. Richelieu donne alors une vive impulsion à la colonie ; les missionnaires évangélisent les sauvages et instruisent les premiers habitants du pays.

L’Acadie est à la France depuis 1632 ; mais voici qu’en 1654, alors que les deux Couronnes sont en paix, Cromwell donne ordre d’attaquer Port-Royal ; les Anglais s’en emparent ; treize ans plus tard, en 1667, le Traité de Bréda rend l’Acadie aux Français. C’est ainsi que dans cette période et dans celles qui suivent, les nouvelles colonies sont le jouet ou la proie de leurs propres querelles