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ment, quoique d’une manière voilée. Mais là où les écrivains ne font qu’effleurer le sujet, Richard plonge jusqu’au fond un regard impitoyable. Il confirme le soupçon des uns, complète le récit des autres, et le rétablissement, l’assainissement de certaines sources constitue l’un des grands mérites de son ouvrage.

Ths. B. Akins n’ouvre son volume d’archives qu’en novembre 1714, omettant ainsi du coup bien des sources de renseignements qu’il eut fallu connaître, au préalable. Or, « cette omission, dit Richard, a suffi pour induire en erreur la plupart des historiens de la Nouvelle-Écosse. Ils commencent, dit-il, où le compilateur commence, ils finissent où il finit ». Que ces écrivains aient été peu curieux ou avertis, la question de légèreté, celle de bonne foi importe peu pour le moment, il suffit qu’ils ne soient pas allés plus loin et aient induit en erreur les écrivains qui les ont voulu consulter[1].


IV


Richard établit, documents en mains, que les Acadiens ont décidé de quitter le pays après la Paix d’Utrecht, dès l’automne de 1713, qu’ils ont prévenu le lieutenant-gouverneur Vetch de leur intention, qu’en ce moment ils ont commencé leurs préparatifs, mais que Vetch les empêche de mettre leur projet à exécution sous prétexte que le gouverneur Nicholson est absent ; il établit que ce dernier, sur des représentations de M. de Costabelle, gouverneur de Louisbourg, promet de laisser partir les Acadiens, mais qu’à la fin il les en empêche encore, sous prétexte qu’il veut en appeler à la reine, quoiqu’il soit en possession d’un ordre de sa souveraine lui commandant de les laisser partir s’ils le veulent ; il établit qu’immédiatement après, Nicholson refuse aux Acadiens de s’embarquer à bord de vaisseaux de transports anglais ; qu’il leur défend également de prendre passage à bord de vaisseaux français ; que la détermination des Acadiens était telle qu’ayant construit eux-mêmes des embarcations, ils essaient en vain de les équiper à Louisbourg, la permission leur en étant refusée ; que cherchant à obtenir la même chose à Boston, leur demande est encore écartée et qu’enfin les vaisseaux qu’ils ont construits eux-mêmes sont saisis. Des correspondances ont été échangées entre Louisbourg et Port-Royal, des réunions tenues, des délibérations, des requêtes, des ordres ont existé : point de traces de cela dans le volume Akins, quoique tout cela existe à Londres, à Paris ou ailleurs, puisqu’on l’a retrouvé. Qu’a fait Akins de la lettre du gouverneur Costabelle ? Qu’a-t-il fait de la réponse de Nicholson, des ordres de la reine Anne ? Qu’a-t-il fait du reste ? Le zélé compilateur des archives va plus loin, il manipule les documents de façon à leur faire dire que si les Acadiens

  1. Si l’on veut savoir jusqu’à quel point les archives de la N.-É. sont défectueuses, il faut lire, outre Richard, la requête que les Acadiens des Provinces adressèrent au Lieutenant-Gouverneur, le 15 août 1908, et que L’Évangeline de Moncton a publiée le 22 août dernier.