Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/478

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[ 452 ]

suivant la coste de l’Est jusqu’à l’Isle de Campceau exclusivement, revenant par le passage de Fronsac jusqu’au Cap Tourmentain ou à la Baye Verte.

Voilà ce que nous appelons l’Acadie et voilà ce que les puissances de Québec veulent donner à l’Anglois et rien d’avantage, et en conséquence ces messieurs ont fait prendre possession de toute la côte depuis le Cap Tourmente jusqu’à Gaspé avec la partie du nord de la Baye Françoise où se trouve la rivière St-Jean et les trois autres rivières, je pense que Votre Grandeur soutiendra ce que ces messieurs ont fait et par ce moyen les Acadiens trouveront des terres à cultiver.

Quant à la défense faite par le Général Cornwallis aux Acadiens, je pense qu’elle ne doit avoir lieu, et Votre Grandeur me permettra de luy exposer comme les Acadiens se sont comportés depuis la paix d’Utrecht.

Les experts n’ayant point esté nommés pour placer les bornes de l’Acadie et la séparer des terres du Canada, et les Anglois leur faisant entendre qu’ils avoient jusqu’au Cap Desrosiers, les habitans ne sachant où aller pour cultiver les terres françoises demeurèrent dans l’Acadie comme une populace mutinée refusant de prester le serment de fidélité au Roy de la Grande Bretagne, faisant la guerre avec les Sauvages aux Anglois et défendant aussy leurs terres et leur religion jusqu’à l’année 1727 dans laquelle ils firent un traité particulier avec Monsieur Philip général de cette province et envoyé de la part du Roy d’Angleterre, par lequel les dits Acadiens promettent d’être fidèles au Roy George ii et luy obéir, et en vertu de ce serment le général Philip leur accorde au nom du Roy son maître la jouissance paisible de leurs biens, le libre et public exercice de leur religion avec la liberté d’avoir des prêtres catholiques et romains pour les instruire, l’exemption de porter les armes contre qui que ce soit, la liberté de se retirer ailleurs quand bon leur semblera, et qu’ils seront déchargés de fidélité dès qu’ils ne seront plus sur les terres de la Grande Bretagne.

Vous me permettrez, Monseigneur, de vous faire remarquer que le Roy George a approuvé ce que son général avoit fait pour la tranquillité de sa province, et qu’en conséquence les Acadiens ont joui jusqu’à présent de ces privilèges, que même pendant cette dernière guerre, Monsieur Mascarène gouverneur d’Annapolis Royale a laissé les Acadiens tranquilles, et ne leur a jamais parlé de prendre les armes pour la défense de la province, qu’il les a toujours exhorté à garder le traitté qu’ils avoient fait avec le Général Philip et leur a promis de les faire jouir aussi longtemps qu’ils seroient fidèles, des prérogatives que le général leur avoit promis au nom du Roy son maître.

Les Acadiens prétendent en vertu de ce traitté être en droit de sortir de l’Acadie avec leurs effets mobiliers et en conséquence ils ont représenté au Général Cornwallis pour répondre à ses ordres une requeste signée de plus de mille personnes, par laquelle ils refusent de prêter un nouveau serment et de prendre les armes contre les françois et les Sauvages pour la défense de cette province, et protestant tous qu’ils sont prêts à sortir de leur patrie plustôt que de se soumettre à ses ordres.

Mais comme une populace ne peut rien contre une puissance qui à la force en