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CHAPITRE DEUXIÈME


Quelques détails sur les événements qui ont précédé et accompagné l’exode des Acadiens de Beaubassin.


Cependant, dès 1750, l’année même de la descente de Lawrence à Beaubassin, et après les dévastations dont il venaient d’être les victimes, presque tous les Acadiens qui avaient leurs propriétés à l’est de la petite rivière Messagouetche ou Ste-Marguerite, dans la paroisse de Beaubassin, les abandonnèrent et vinrent chercher refuge sous la protection du fort Beauséjour.

Le motif qui détermina ces Acadiens à prendre cette grave résolution n’était autre que la connaissance qu’ils venaient d’avoir du traité d’Aix-la-Chapelle, en vertu duquel la France abandonnait définitivement à l’Angleterre le territoire sur lequel ils étaient établis. Ils désiraient rester sujets français, et surtout ils ne voulaient pas prêter serment d’allégeance à l’Anglais sans condition pour la sauvegarde de leur foi, ni sans avoir la garantie qu’on ne les forcerait pas à porter les armes contre leurs frères les Canadiens, ou contre la France.

Ils ne tardèrent pas à s’apercevoir que les conséquences du dernier traité allaient être plus sérieuses et plus menaçantes pour eux que ne l’avaient été celles des traités antérieurs.

La fondation de Halifax en 1749 et l’arrivée d’un grand nombre de colons anglais allaient bientôt les noyer au milieu d’une population étrangère qui avait en souveraine aversion tout ce qui était catholique et français ; population avec laquelle nos pères ne pouvaient par conséquent pas du tout sympathiser.

Les Acadiens de Port-Royal et ceux de Beaubassin avaient des raisons particulières de haïr les Anglais ; car bien souvent ils avaient été rançonnés par les parties de guerre ; et, du vivant même de mon trisaïeul, qui avait à peine trente ans quand il quitta l’Acadie, deux fois déjà leurs fermes avaient été pillées et brûlés. Cette circonstance, qui d’abord avait échappé à mon attention, m’inclinerait maintenant à croire que, ruinés une première fois par l’invasion de Lawrence à Beaubassin en 1750, Joseph Richard et ses voisins passèrent alors dans l’Acadie française et allèrent commencer de nouveaux établissements sur l’une des rivières Chipoudy, Petit-Coudiac et Memramcook que les Français prétendaient leur appartenir. En 1752, il y avait déjà 51 habitants à Memramcook, dont quatre Richard, 56 à Petit-Coudiac et 60 à Chipoudy. Or, on sait que toutes les habitations françaises des dites rivières furent, à leur tour, dévastées et brûlées par les soldats de Monckton en 1755.

Quoique ruinés par la guerre et quelque désireux qu’ils fussent de se soustraire à la domination anglaise, les malheureux Acadiens hésitèrent longtemps à s’expatrier d’eux-mêmes. Pour prendre une telle détermination, ils avaient à faire des sacrifices excessivement pénibles à la nature. Il leur fallait aban-