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qu’ils n’ont voulu signer aucuns des écrits que le commissaire leur a fait présenter. Le reste, au nombre de 170 personnes, faisant 38 familles, était presqu’ébranlé et aurait suivi cet exemple sans le nommé Normand Du Plessis, pilote français né au Havre et rançon à Liverpool pour M. de la Touche, de la Martinique.

Du Plessis engagea les Acadiens à présenter une requête à M. le Duc de Nivernois avant de se laisser aller aux insinuations du commissaire et du prêtre. Ils s’y déterminèrent, mais comme le Commissaire ouvre toutes les lettres qu’ils écrivent ou qu’ils reçoivent, ils firent entre eux une contribution de quatre guinées pour envoyer un exprès à Londres. Cet exprès fut un Irlandais catholique marié à une Acadienne, sa femme a été privée de sa paie de 6 sols depuis son mariage, et qui demande pour sa récompense qu’on veuille bien lui permettre de suivre les Acadiens partout où il plaira au roi de les établir.

Les dits Acadiens détenus à Liverpool, ayant fait savoir à M. le Duc de Nivernois qu’il se trouvait encore près de 600 de leurs frères à Southampton, Pernyn et Bristol, Son Excellence donna ordre à M. de la Rochette de se rendre secrètement dans ces trois villes et d’y faire usage des instructions qu’il avait reçues pour Liverpool au mois de Décembre 1762.

M. de la Rochette arriva à Southampton le 18 janvier 1763. Comme il n’avait aucune marque à laquelle les Acadiens dussent le reconnaître et que d’ailleurs les artifices répétés des Anglais engageaient ce peuple à la plus grande défiance, il ne put les convaincre ni de la réalité de sa mission ni de celle de ses instructions. Il les quitta cependant satisfait de leur zèle pour le roi et persuadé que l’excès de ce même zèle était l’unique motif de leur défiance. Plus voisins de Londres, que leurs frères et placés dans une ville qui devient en été le rendez-vous d’une partie de la noblesse anglaise, les Acadiens de Southampton avaient essuyé des attaques plus fréquentes et plus dangereuses. Le Général Mordaunt, et même en dernier lieu le Duc d’York, n’avaient pas cru au dessous d’eux de les solliciter de renoncer à la France. D’ailleurs, dans le moment où M. de la Rochette leur fut envoyé, ils attendaient une réponse de la part des Commissaires anglais accoutumés à les tromper, et c’était pour eux une raison de défiance très légitime. Ils prirent le parti de dépêcher deux des leurs à M. le Duc de Nivernois pour s’assurer de la vérité, et il ne leur reste aujourd’hui aucun doute. Ces Acadiens se trouvent réduits à 219 de 340 qu’ils étaient à leur débarquement en Angleterre.

De Southampton, M. de la Rochette partit pour Penryn, où il se rendit le 25 janvier. Il y trouva 159 Acadiens dans la situation la plus déplorable. Depuis la fin de novembre le gouvernement a arrêté leur paie. Ceux qui n’ont appris aucun métier vivent d’emprunts ; les veuves et les orphelins demandent l’aumône, et ils doivent entre eux plus de 250 guinées dans le bourg. Cette paie est comme à Liverpool de 6 sols par jour pour chaque personne au dessus de sept ans et de 3 sols au dessous de cet âge. Les Acadiens de Penryn ne de-