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tion de l’État paralysaient l’initiative privée, tuaient les desseins personnels. Si, comme l’Angleterre le fit pour les Puritains, la France eut laissé les Huguenots libres de venir s’établir en Amérique, ceux-ci n’eussent pas demandé mieux que d’y former un groupement indépendant[1]. Et de même les Ordres Religieux eussent bien voulu essaimer en ces vastes territoires. Mais, dans un cas comme dans l’autre, le pouvoir se montra défiant, ombrageux ; il ne voulut octroyer ni aux Huguenots ni aux moines la latitude nécessaire pour leur permettre de fonder des établissements. Et ainsi les colonies françaises se débattaient dans l’impuissance, victimes de l’inaction des particuliers et de

  1. . La Révocation de l’Édit de Nantes fut-elle un bien ou un mal pour la France ? Nous n’avons pas à discuter la question ici. Ce qui nous paraît indubitable, c’est qu’il est fort heureux, pour l’Acadie comme pour le Canada-Français, que le gouvernement n’ait pas laissé envahir ces colonies par les Huguenots. Ceux-ci n’eussent jamais été assez forts pour empêcher ce qui en effet a eu lieu, la cession de ces pays à l’Angleterre. Leur présence eut engendré des dissensions encore plus grandes que celles qui se sont produites : elle eut nui à cette merveilleuse conservation de la foi et de l’unité catholiques au sein de notre nationalité. Champlain a écrit à propos de l’expédition de de Monts en Acadie, expédition mélangée de catholiques et de Huguenots : « deux religions contraires ne font jamais grand fruit pour la gloire de Dieu parmi les infidèles que l’on veut convertir. » V. Ferland. Tome I, c. IV, p. 67.

    Dans ces pages, Richard suit de très près Rameau et lui emprunte idées et expressions. La citation suivante en fera foi : « …, la cour de France commença, dès le règne de Louis XIII, à exercer une funeste influence sur la noblesse ; attirés par le luxe, etc., les gentilshommes les plus intelligents et les plus entreprenants se concentrèrent de plus en plus autour du trône… la noblesse s’énerva, les promoteurs d’émigration devinrent rares et les colonies rencontrèrent peu d’appui et peu de ressources… Le courant religieux, qui revêtit en Angleterre un caractère de fanatisme rigide et d’exaltation puissante, aurait pu, sous d’autres formes, donner à la France des instruments utiles de colonisation : l’élément protestant eût volontiers alimenté une émigration libre ; tandis que les ordres religieux eussent pu, en d’autres contrées, fournir à la colonisation des cadres et une organisation vigoureuse. Si l’on eût voulu se servir de ces forces toutes préparées, si on leur eût seulement accordé une