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Rameau continue : « Quoique le texte en soit un peu long, nous avons voulu citer in extenso cette pièce curieuse, qui fait bien ressortir le genre de diplomatie qui régnait en ces parages : la mise en scène, le simulacre de bonhomie qui broche sur le tout, la régalade qui entraîne le consentement, et ce bonsoir qui clôt la séance, en envoyant les gens au lit, après avoir bien bu, tout y accuse l’habileté consommée d’un maquignon matois.

« Comme elle est bien jouée, cette insertion marginale, qu’il feint d’accepter pour les amener à lui par degrés, insertion négligemment placée sur un seul des procès-verbaux, que personne ne lut et qu’on n’a pas revue ! Quoi de plus admirable aussi que ce faux-fuyant équivoque sur l’enrôlement militaire ? Comment, dit Armstrong, vous avez peur d’être enrôlés de force ? Mais songez donc qu’étant catholiques, vous n’auriez pas seulement le droit de vous enrôler de bonne volonté ! Voilà, certes, une des plus jolies mystifications qui aient été inventées dans le royaume de la fourberie ! Ceci relève de la comédie et non pas de l’histoire, et c’est un grand malheur que Molière n’ait pas connu cette aventure ! « Quoi donc, eut dit Scapin, craignez-vous « que je prenne votre bourse ? Mais sachez que je n’en voudrais pas, lors même que vous me prieriez de la prendre[1]. »

Grâce à ce grossier stratagème, Lawrence Armstrong pensa donc en avoir fini avec les habitants d’Annapolis, et il tourna son attention d’un autre côté. Le cas de l’abbé Gaulin l’occupa d’abord. Le gouvernement avait fait saisir ce missionnaire, sous prétexte qu’il avait fomenté

  1. Une colonie féodale, etc., Tome II, ch. XI, pp. 39 et seq.