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France n’avait rien fait pour peupler l’Acadie et en faire une colonie capable de se suffire à elle-même ; elle n’avait rien fait pour la protéger et la soutenir au moment du danger. Que si, tardivement, elle voulait réparer les erreurs de son passé, elle devait le faire par ses propres moyens, sans recourir à des procédés déloyaux, de nature à détourner de sa cause ses anciens sujets. La conduite de la France, pendant cette guerre, lui aliéna, en effet, la sympathie si naturelle que ceux-ci lui avaient toujours conservée. Si l’Angleterre, ou plutôt ses représentants, eussent compris cela, et s’ils eussent agi de manière à tirer avantage de ce revirement opéré dans l’âme acadienne par les derniers événements, nous n’aurions peut-être pas eu à déplorer les malheurs qui ont suivi. Quoiqu’il en soit, il nous semble que le fait que les Acadiens avaient su résister aux incessantes tentatives de séductions, qui leur étaient venues des Français, aurait dû bien disposer en leur faveur les autorités de la colonie : leur fidélité inébranlable au drapeau britannique, en dépit de la pression contraire que l’on cherchait à exercer sur eux, n’était-elle pas un gage certain pour l’avenir ? Interprétée avec bienveillance ou même avec simple équité, leur conduite loyale aurait dû leur attirer l’amitié et la reconnaissance de leurs maîtres. Mais, la reconnaissance n’est-elle pas rara avis[1] !



  1. Rara avis in terris, nigroque simillima cygno.

    Oiseau rare, plus rare qu’un cygne au noir plumage.

    Juvenal. Sat. VI, trad. Victor Poupin. (Paris, lib. de la Bibl. Nationale, 1886.)