Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/115

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de voir persévérer leur neveu dans ses vues, malgré tant de rebuts et de mépris. Non que je prenne beaucoup d’intérêt aux conseils qu’elles peuvent lui donner là-dessus ; mais il semble que milord ayant signé sa lettre précédente, et toute leur famille me faisant assurer de leur amitié, je ne dois pas être mal dans leur esprit. Je ne serais pas fâchée que ces assurances fussent confirmées par quelque personne indifférente, d’autant plus qu’ils mettent, comme on le sait, un fort haut prix à leur alliance, à leur fortune et à leur noblesse, et qu’ils se plaignent, avec raison, d’être surpris dans le traitement que M Lovelace a reçu de ma famille.

Jusqu’à présent, la curiosité est mon seul motif ; et je me promets bien de n’en avoir jamais de plus fort, malgré les prétendus battemens de cœur dont vous m’avez soupçonnée ; oui, ma chère ; quand il y aurait moins de reproches à lui faire qu’il n’y en a effectivement.

J’ai fait réponse à ses lettres. S’il me prend au mot, ma curiosité n’aura pas besoin d’être si vive, pour savoir ce que ses parens pensent de moi, quoiqu’il soit toujours fort doux d’être estimé des honnêtes gens. Voici la substance de ma réponse.

" je lui marque mon étonnement, de le voir si bien et si-tôt informé de tout ce qui se passe ici. Je l’assure que, quand M Lovelace ne serait pas au monde, je ne serais jamais à M Solmes. Je lui dis que rendre, comme j’apprends qu’il le fait, défis pour défis à mes proches, c’est me donner une fort mauvaise marque de sa politesse, et de la considération qu’il prétend avoir pour moi ; que si j’apprends qu’il se présente à la porte d’aucun de mes parens, pour leur rendre une visite sans leur consentement, je prendrai la ferme résolution de ne le voir de ma vie, si je puis l’éviter ".

Je lui apprends qu’on a fermé les yeux sur l’envoi de ma lettre (quoique personne n’ait vu ce qu’elle contient), à condition que ce sera la dernière qu’il recevra jamais de moi ; que s’il veut se le rappeler, il m’a entendu dire plus d’une fois, avant même que M Solmes eût été présenté à notre famille, que mon inclination me portait au célibat ; que M Wyerley et d’autres prétendans peuvent lui rendre témoignage que c’était mon choix avant que je l’eusse connu lui-même ; que rien n’aurait été capable de m’engager à lui écrire sur le sujet présent, si je n’avais cru reconnaître qu’il en avait usé assez généreusement avec mon frère, et qu’il n’avait pas été bien traité par mes amis : que, dans la supposition même qu’ils eussent embrassé ses intérêts, et que j’eusse pu renoncer à mes projets de célibat, j’aurais eu de grandes objections à former contre lui, et je les lui aurais déclarées naturellement si j’avais reçu ses assiduités sur un autre pied que les visites ordinaires. Enfin, je lui déclare que, par toutes ces raisons, j’espère que la seule lettre que je veux bien recevoir de lui sera la dernière, et que je ne l’attends que pour y apprendre qu’il se rend à mes désirs, du moins jusqu’à des conjonctures plus heureuses. J’ai cru devoir ajouter cette restriction, pour ne les pas pousser tout-à-fait au désespoir. Mais s’il me prenait réellement au mot, je serais délivrée en effet d’un de mes persécuteurs.

Je vous ai promis de vous abandonner toutes ses lettres et mes réponses. Je renouvelle ma promesse, et cette raison m’empêche de donner plus d’étendue à mes extraits. Mais je ne puis assez répéter combien je souffre de la nécessité où je suis de répondre aux lettres d’un homme dont je n’ai jamais eu dessein d’encourager les prétentions, et contre lequel