Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/156

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là-dessus fort en arrière, je suis dans le dessein, avant que de quitter ce canton, (j’entends de le quitter avec succès ; sans quoi, suivant une autre règle, je ferai du mal au double par voie de vengeance) de joindre aux cent guinées de Jean, cent autres guinées, pour faire le bonheur de deux cœurs innocens. Ainsi je te le répète une fois et cent fois, respecte mon bouton de rose. Je suis interrompu. Mais je te promets une seconde lettre avant la fin du jour, et les deux partiront ensemble.



M Lovelace, à M Belford.

avec le secours de mon fidèle espion, je suis aussi bien informé de la plupart des démarches de ma charmante, que de celles du reste de la famille. C’est un plaisir délicieux pour moi de me représenter ce coquin caressé par les oncles et le neveu, et initié dans tous leurs secrets, tandis qu’il ne suit avec eux que ma ligne de direction . Je lui ai recommandé, sous peine de perdre la pension que je lui fais chaque semaine, et ma protection, que je lui ai promise pour l’avenir, de se conduire avec tant de discrétion, que ni ma charmante, ni personne de la famille, ne puisse le soupçonner. Je lui ai dit qu’il pouvait avoir les yeux sur elle, lorsqu’elle sort ou qu’elle rentre, mais seulement pour écarter les autres domestiques du chemin qu’elle prend, et qu’il devait éviter sa vue lui-même. Il a dit au frère que cette chère créature avait tenté de l’engager, par un présent (qu’elle ne lui a jamais offert) à se charger d’une lettre pour Miss Howe, (qui ne fut jamais écrite) avec une incluse, (qui pouvait être pour moi) mais qu’il s’était excusé d’accepter de telles commissions, et qu’il demandait en grâce qu’elle ne sût jamais qu’il l’eût trahie. Cette fausse confidence lui a valu un misérable schelling et de grands applaudissemens. Elle a été suivie d’un ordre à tous les domestiques de redoubler leur vigilance, dans la crainte que ma déesse ne trouve quelqu’autre voie pour faire passer ses lettres. Une heure après, on a chargé mon agent de se présenter sur son passage, et de lui témoigner qu’il se repent de son refus, dans l’espérance qu’elle lui remettra ses lettres. Il rapportera qu’elle a refusé de les lui confier. Ne vois-tu pas à combien de bonnes fins cet artifice peut conduire ? Premièrement, il assure à ma belle, sans qu’elle le sache elle-même, la liberté qu’on lui laisse de se promener au jardin ; car voilà tous ses parens convaincus que, depuis qu’ils lui ont enlevé sa servante, il ne lui reste aucun moyen de faire sortir ses lettres. Ainsi sa correspondance, avec Miss Howe, comme avec moi, est parfaitement à couvert. En second lieu, il me donnera peut-être le moyen de me procurer une entrevue secrète avec elle ; et j’y pense fortement, de quelque manière qu’elle puisse le prendre. J’ai découvert, par mon espion, qui peut tenir tous les autres domestiques à l’écart, que chaque jour, matin et soir, elle fait la visite d’une volière assez éloignée du château, sous prétexte de veiller à la nourriture de quelques oiseaux qui lui viennent de son grand-père. J’ai de bons mémoires sur les moindres mouvemens qu’elle y fait ; et comme elle m’a confessé elle-même, dans une de ses lettres, qu’elle entretient un commerce ignoré avec Miss Howe, je présume que c’est par cette voie. L’entrevue que je médite me fera obtenir, ou je me suis trompé, son consentement