Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/170

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Savez-vous à quoi la chose se réduit ? Je serai sensible à la peine, dans cette lettre peut-être ; mais je vous ferai, dans la suivante, des remerciemens qui ne cesseront jamais. Cette explication, ma chère, en sera une aussi pour toutes les petites sensibilités que j’ai pu vous laisser voir dans d’autres lettres, et dont il peut arriver que je ne me défende pas mieux à l’avenir. Vous me rappelez souvent par un excellent exemple, que je ne dois pas souhaiter d’être épargnée. Je ne me souviens pas de vous avoir rien écrit sur l’homme en question, qui n’ait été à son désavantage plutôt qu’à sa louange. Mais si vous en jugez autrement, je ne vous donnerai pas la peine d’en chercher des preuves dans mes lettres. Les apparences du moins doivent avoir été contre moi, et mon étude sera de les rectifier. Ce que je puis vous assurer avec beaucoup de vérité, c’est que, quelque sens que mes termes aient pu vous présenter ; mon intention n’a jamais été d’user avec vous de la moindre réserve. Je vous ai écrit avec l’ouverture de cœur qui convenait à l’occasion. Si j’avais pensé au déguisement, ou si j’avais eu quelque raison de m’y croire obligée, peut-être aurais je évité de donner lieu à vos remarques sur la curiosité que j’ai eue de savoir ce que la famille de M Lovelace pense de moi, sur mon goût conditionnel , et sur d’autres points de cette nature. Je vous ai dit de bonne foi, dans le tems, quelles étoient mes vues par rapport au premier, et je m’en rapporte volontiers aux termes de ma lettre. à l’égard du second, je ne cherchais qu’à me rendre telle qu’il convient à une personne de mon sexe et de mon caractère, dans une malheureuse situation où elle est accusée d’un amour contraire au devoir, et où l’objet qu’on suppose à sa passion est un homme de mauvaises mœurs. Vous approuvez, j’en suis sûre, le désir que j’avais de paraître ce que je devais être, quand je n’aurais pas eu d’autre vue que de mériter la continuation de votre estime. Mais, pour me justifier sur la réserve… ô ma chère ! Il faut que je quitte ici la plume.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

lundi, 20 mars. Cette lettre vous apprendra, ma chère, les raisons qui m’ont fait interrompre ici brusquement ma réponse à la vôtre d’hier, et qui m’empêcheront peut-être de la finir et de vous l’envoyer plutôt que demain ou le jour suivant, d’autant plus que j’ai beaucoup à dire sur les sujets que vous m’avez proposés. Aujourd’hui, je vous dois le récit d’un nouvel effort que mes amis ont tenté sur moi par le ministère de la bonne Madame Norton. Il paraît qu’ils l’avoient fait avertir, dès hier, de se trouver ici ce matin, pour recevoir leurs instructions, et pour employer l’ascendant qu’ils lui connaissent sur mon esprit. Je m’imagine qu’ils s’en promettaient du moins un effet convenable à leurs vues ; c’était de me rendre inexcusable à ses propres yeux, et de lui faire voir qu’il n’y avait point de fondement aux plaintes qu’elle a voulu faire plusieurs fois à ma mère, de la rigueur avec laquelle je suis traitée. L’avantage que je me suis attribué d’avoir le cœur libre, leur fournissait un argument pour me convaincre