Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/177

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On ne l’a jamais accusé d’avarice, ni même de manquer de générosité ; et lorsqu’on s’est informé de sa conduite, on n’a point trouvé de profusion et d’extravagance à lui reprocher. Son orgueil, assez louable sur ce point, l’a garanti de ces deux excès. D’un autre côté, il est toujours prêt à reconnaître ses fautes. On ne l’entend jamais badiner sur la religion ; c’est le défaut du pauvre M Wyerley, qui paraît s’imaginer qu’il y a de l’esprit à dire des choses hardies, qui sont toujours choquantes pour une ame sérieuse. Dans la conversation, il a toujours été irréprochable avec nous ; ce qui montre, quelqu’idée qu’on puisse avoir de ses actions, qu’il est capable de recevoir les influences d’une compagnie décente ; et que vraisemblablement, dans celle qui l’est moins, il suit l’exemple, plutôt qu’il ne le donne. Une occasion, qui n’est pas plus ancienne que samedi dernier, ne l’a pas peu avancé dans mon estime, du côté de la retenue ; quoiqu’en même temps il n’ait pas manqué d’assurance. Du côté de la naissance, on ne peut lui contester l’avantage sur tous ceux qui m’ont été proposés. Si l’on peut juger de ses sentimens par cette réflexion, qui vous fit plaisir dans le temps ; " que lorsque le bon sens se trouve réuni avec la véritable qualité et les distinctions héréditaires, l’honneur s’applique de lui-même, et joint comme un gant " : (expression qui lui est familière ; et vous savez de quel air aisé il la relève) " tandis que l’homme nouveau , ajouta-t-il, celui qu’on a vu croître comme un mousseron , (autres de ses termes favoris) devient arrogant de ses honneurs et de ses titres " : si ces idées, dis je, pouvaient servir à faire juger de lui, il faudrait conclure, en sa faveur, que, de quelque manière que sa conduite réponde à ses lumières, il n’ignore pas ce qu’on est en droit d’attendre des personnes de sa naissance. La conviction est la moitié du chemin à l’amendement. Il jouit d’un bien considérable, et celui qui doit lui revenir est immense… il n’y a rien à dire de ce côté-là. Mais il est impossible, au jugement de quelques personnes, qu’il fasse jamais un mari tendre et complaisant. Ceux qui pensent à m’en donner un tel que Solmes, et par des méthodes si violentes, n’ont pas bonne grâce de me faire cette objection. Il faut que je vous dise comment j’ai raisonné là-dessus avec moi-même ; car vous devez vous ressouvenir que je suis encore à la partie favorable de son caractère. Une grande partie du traitement auquel une femme doit s’attendre avec lui, dépendra peut-être d’elle-même. Peut-être sera-t-elle obligée, avec un homme si peu accoutumé à se voir contrarier, de joindre la pratique de l’obéissance au vœu qu’elle aura fait d’obéir. Elle devra se faire un soin continuel de plaire. Mais quel est le mari qui ne s’attende pas à trouver ces dispositions dans une femme ; avec plus de raison, peut-être, s’il n’a pas lieu de croire qu’elle l’ait préféré dans son cœur avant que de prendre ce titre ? Et n’est il pas plus facile et plus agréable d’obéir à un homme qu’on a choisi, quand il ne serait pas toujours aussi raisonnable qu’on le désire, qu’à celui qu’on n’aurait jamais eu si l’on avait pu se dispenser de l’avoir ? Pour moi, je crois que les loix conjugales étant l’ouvrage des hommes, qui ont fait de l’obéissance une partie du vœu des femmes, elles ne doivent point, même en bonne politique, laisser voir à un mari qu’elles puissent violer leur part du contrat, quelque légère qu’elles en croient l’occasion ; de peur qu’il ne s’avise, étant lui-même le juge, de ne pas attacher plus d’importance à d’autres points dont elles auroient