Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/195

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S’il vous plaît, Bella. Après avoir lu, elle a fait un éclat de rire affecté. Comme les grands esprits se laissent prendre ! Vous n’avez donc pas vu, Clary, que je me moquais de vous ? Et vous voudriez que je descendisse avec cette belle pièce, où je ne trouve pas le sens commun ? Vous ne m’en imposerez pas, Bella, par ces apparences de dureté. Elles ne peuvent être sérieuses. Il y aurait trop peu d’esprit dans une raillerie de cette nature. Quel excès de folie ! Une tête fortement prévenue s’imagine que tout le monde ne voit que par ses yeux. Mais, de grâce, mon cher enfant, que devient l’autorité de votre père ? Qui cède ici, du père ou de la fille ? Comment ajustez-vous ces belles offres avec les engagemens qui existent entre votre père et M Solmes ? Quelle certitude que votre libertin ne vous suivra pas jusqu’au bout du monde ? Reprends, reprends ton écrit, ma chère ; place-le sur ton cœur amoureux, et n’espère pas que je veuille apprêter à rire en me laissant prendre à tes ridicules promesses. Je te connais trop bien. Et jetant le papier sur ma toilette, elle s’est enfuie avec un autre éclat de rire. Mépris pour mépris, a-t-elle ajouté en passant devant moi ; voilà pour vous, pauvre Bella . Je n’ai pas laissé de renfermer ce que j’avais écrit, dans un nouveau billet pour mon frère, où je lui ai tracé en peu de mots la conduite de ma sœur ; dans la crainte que, sa passion l’ayant empêchée de bien prendre mes idées, elle ne les présentât sous un autre jour qu’elles ne me semblaient le mériter. La lettre suivante est une réponse à mon billet, qui m’a été rendue lorsque j’étais prête à me mettre au lit. Mon frère n’a pu prendre sur lui d’attendre jusqu’à demain. à Miss Clarisse Harlove.

il est étonnant que vous ayez la hardiesse de m’écrire, vous qui videz continuellement sur moi votre carquais femelle . Je ne me possède pas en apprenant que vous me reprochez d’être l’agresseur, dans une querelle qui doit son origine à ma considération pour vous. Vous avez fait des aveux, en faveur d’un infame, qui devraient porter tous vos proches à vous abandonner éternellement. Pour moi, je n’ajouterai jamais foi aux promesses d’une femme qui prend des engagemens contraires à des inclinations avouées. Le seul moyen de prévenir votre ruine, est de vous ôter le pouvoir de vous perdre vous-même. Mon intention n’était pas de vous répondre ; mais l’excessive bonté de votre sœur a prévalu sur moi. à l’égard de votre voyage en écosse, le jour de grâce est passé. Je ne vous conseille pas non plus d’aller recommencer auprès de M Morden, le rôle que vous avez joué chez votre grand-père. D’ailleurs, un si galant homme pourrait se trouver engagé dans quelque dispute fatale, à votre occasion, et vous l’accuseriez d’être l’agresseur. La belle situation où vous vous êtes jetée ! Qui vous fait proposer de prendre la fuite pour vous dérober à votre libertin, et d’employer le mensonge pour vous cacher. à ce compte, votre chambre est le plus heureux asile qu’on ait pu trouver pour vous. La conduite de votre brave , lorsqu’il est venu vous chercher à l’église, marque assez le pouvoir qu’il a