Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/212

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pas aussi la leçon qu’elle donna au même jeune homme " de faire front au vice, et de mettre sa gloire dans toutes sortes de compagnies, à se déclarer pour la vertu : qu’il était naturel d’éviter ou d’abandonner ce qui cause de la honte ; cas peu glorieux, si c’était le sien. Elle ajouta que le vice est lâche, et ne manquerait pas de cacher sa tête lorsqu’il aurait en face un ennemi tel que la vertu, accompagné de présence d’esprit et du sentiment de sa propre intégrité. " cette jeune personne, vous vous en souvenez, mettait sa doctrine dans la bouche d’un habile prédicateur, nommé le docteur Lewin, et gardait toujours la même modestie lorsqu’elle ne voulait pas qu’on prît d’elle toute l’opinion qu’elle mérite dans un âge si peu avancé. Pour conclusion, M Hickman, en se remettant pour la seconde fois, convint que, sur-tout ce qu’il avait appris à Londres, il ne pouvait se former une idée avantageuse des mœurs de M Lovelace. Cependant ses deux intimes parlaient de quelque changement, et d’une fort bonne résolution qu’il avait prise depuis peu, et qu’ils louaient beaucoup ; celle de ne jamais faire de défi, et de n’en jamais refuser . En un mot, ils parlaient de lui comme d’un très-brave homme, et du plus aimable compagnon du monde, qui devait faire quelque jour une figure distinguée dans son pays, parce qu’il n’y avait rien dont il ne fût capable, etc. Je crains que ce dernier trait ne soit que trop vrai. C’est, ma chère, tout ce que M Hickman a pu recueillir ; et c’en est assez pour déterminer une ame telle que la vôtre, si elle ne l’est déjà. Cependant, il faut dire aussi que, s’il y a quelque femme au monde qui soit capable de le rappeler de ses égaremens, c’est vous. Le récit que vous m’avez fait de votre dernière entrevue m’en donne même quelque espérance. Je trouve du moins de la justice et de la raison dans tous les discours qu’il vous a tenus : et si vous devez être un jour sa femme… mais brisons là-dessus ; car après tout, il ne peut jamais être digne de vous.



Miss Howe, à Miss Clarisse Harlove.

jeudi, après dîner. Une visite imprévue a détourné le cours de mes idées, et me fait changer le sujet que je m’étais proposé de continuer. Il m’est venu un homme… le seul en faveur duquel je pusse abandonner la résolution où j’étais de ne recevoir personne ; un homme que je croyais à Londres, suivant le témoignage que deux libertins de ses amis en avoient rendu à M Hickman. à présent, ma chère, je crois m’être épargné la peine de vous dire que c’est votre agréable débauché. Notre sexe aime, dit-on, les surprises, et je voulais vous faire deviner plus long-temps de qui était la visite que j’ai reçue ; mais je me suis trahie par mon propre empressement : et puisque vous avez la découverte à si bon marché, passons tout de suite au fait. Le motif qui l’amenait, m’a-t-il dit, étoit de me demander mes bons offices auprès de ma charmante amie , et, comme il était sûr que je connaissais parfaitement votre cœur, de savoir de moi sur quoi il pouvait compter. Il m’a touché quelque chose de votre entrevue ; mais en se plaignant du peu de satisfaction qu’il a obtenu de vous, et de la malice de votre famille, qui semble augmenter pour lui à proportion de la