Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/215

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Si vous me demandez mon sentiment, je crois, ma chère, qu’il vous importe plus que jamais de vous rendre indépendante. Tout alors, s’arrange comme de soi-même. Lovelace est un homme violent. Je souhaiterais, au fond, que vous puissiez vous délivrer de lui comme de Solmes. Une fois hors des mains de votre frère et de votre sœur, vous examinerez ce qui convient à votre devoir et à vos inclinations. Si votre famille persiste dans son ridicule systême, je suis d’avis de ne pas négliger l’ouverture de Lovelace ; et je prendrai la première occasion pour sonder là-dessus ma mère. De votre côté, expliquez-moi nettement vos idées sur la proposition de rentrer dans vos droits, car je me joins à lui pour vous en presser. Essayez du moins ce que cette demande peut produire. Demander, ce n’est pas intenter un procès. Mais quelque parti que vous preniez, gardez-vous absolument de répéter que vous ne réclamerez point vos droits. Si la persécution continue, vous n’aurez que trop de raisons de penser autrement. Laissez-les dans la crainte de vous voir changer de disposition. Vous voyez que pour avoir déclaré que vous n’useriez pas du pouvoir qu’ils vous connaissent, vous n’en êtes pas mieux traitée. Il me semble qu’il ne devrait pas être nécessaire de vous le dire. Bon soir, ma très-chère et très-aimable amie.

Anne Howe.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

mercredi au soir, 22 de mars. J’apprends de Betty, que, sur le rapport de ma tante et de ma sœur, tous mes parens assemblés ont pris contre moi une résolution unanime, vous la trouverez dans une lettre de mon frère que je viens de recevoir, et que je vous envoie. Mais je suis bien aise qu’elle me revienne aussitôt que vous l’aurez lue. Elle peut m’être nécessaire dans la suite de ces démêlés. Miss Clary, je reçois ordre de vous déclarer que mon père et mes oncles ayant appris de votre tante Hervey ce qui s’est passé entr’elle et vous, et de votre sœur, le traitement qu’elle a essuyé de votre part ; ayant rappelé tout ce qui s’est passé entre votre mère et vous ; ayant pesé toutes vos raisons et toutes vos offres ; ayant considéré leurs engagemens avec M Solmes, la patience de cet honnête homme, son extrême affection pour vous, et le peu de facilité que vous lui avez donné vous-même pour vous faire connaître son mérite et ses propositions : ayant considéré de plus deux autres points ; savoir, l’autorité paternelle, ouvertement offensée, et les instances continuelles de M Solmes (quoique vous les ayez si peu méritées), pour vous faire délivrer d’une prison à laquelle il veut bien attribuer l’aversion que vous marquez pour lui, n’y pouvant donner d’autre explication, lorsque vous avez assuré votre mère, que vous avez le cœur libre ; ce qu’il est porté à croire, et ce que je vous avoue néanmoins que personne ne croit que lui : que, pour toutes ces raisons, dis-je, il a été résolu que vous irez chez votre oncle Antonin. Préparez-vous au départ. Vous ne serez pas avertie du jour long-temps auparavant, et vous en comprenez les raisons.