Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/271

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Premièrement, voici la réponse que je fais à vos reproches : croyez-vous que, dans l’occasion, et par intervalles, je puisse souhaiter beaucoup, de ne les pas mériter, lorsque j’admire le ton que vous prenez pour me les faire, et que je n’en ai réellement que plus d’affection pour vous ? D’ailleurs, n’y êtes vous pas justement autorisée par votre propre caractère ? Le moyen de découvrir en vous des défauts, à moins que vos chers parens n’aient la bonté de vous en trouver quelques légers, pour être moins humiliés des leurs, qui sont en si grand nombre ? Ce serait une obligation que je leur aurais comme vous ; car j’ose dire qu’alors le même juge qui trouverait la raison de votre côté en lisant vos lettres, ne trouverait pas, en lisant les miennes, que j’aie tout-à-fait tort. La résolution où vous êtes de ne pas quitter la maison de votre père est digne de vous, si vous pouvez y demeurer sans devenir la femme de M Solmes. Je trouve votre réponse à ce Solmes, telle que je le l’aurais faite moi-même. Ne nous devez-vous pas un compliment à toutes deux ? Celui de conclure qu’elle ne pouvait donc être mieux. Dans vos lettres à votre oncle et à vos autres tyrans, vous avez fait tout ce que le devoir exigeait de vous. Quelles que puissent être les conséquences, vous ne sauriez être coupable de rien. Offrir de leur abandonner votre terre ! C’est de quoi je me serais bien gardée. Vous voyez que cette offre les a tenus en suspens. Ils ont pris du temps pour y penser. J’avais le cœur serré pendant le temps de leur délibération. Je tremblais qu’ils ne vous prissent au mot : et comptez qu’ils n’ont été retenus que par la honte, et par la crainte de Lovelace. Vous êtes trop noble pour eux de la moitié. C’est une offre, je le répète, que je me serais bien gardée de leur faire ; et je vous conjure, ma chère, de ne les plus exposer à la même tentation. Je vous avouerai naturellement que la conduite qu’ils tiennent avec vous, et le procédé si différent de Lovelace, dans la lettre que vous receviez en même-tems de lui, m’auraient livrée à lui sans retour. Quel dommage, allais-je dire, qu’il n’ait point assez respecté son propre caractère, pour avoir justifié parfaitement une démarche de cette nature dans Clarisse Harlove ! Je ne suis point surprise de l’entrevue que vous lui aviez fait espérer. Peut-être reviendrai-je bientôt à cet article. De grâce, ma chère, ma très-chère amie, trouvez quelque moyen de m’envoyer votre Betty-Barnes. Croyez-vous que l’acte de coventry s’étende aux femmes ? Le moindre traitement auquel elle pourrait s’attendre, serait d’être bien souffletée , et traînée dans le plus profond de nos étangs. Je vous réponds que si je l’ai jamais ici, elle pourra célébrer toute sa vie l’anniversaire de sa délivrance. La réponse de Lovelace, tout impudente qu’elle est, ne me cause aucun étonnement. S’il vous aime autant qu’il le doit, votre changement a dû lui causer beaucoup de chagrin. Il n’y aurait qu’une détestable hypocrisie qui eût pû lui donner la force de le déguiser. La modération chrétienne que vous attendiez de lui, surtout dans une occasion de cette nature, aurait été précoce d’un demi-siècle dans un homme de son tempérament. Cependant, je suis fort éloignée de blâmer votre ressentiment.