Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/282

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l’espérance de le faire expliquer : c’est là-dessus que je vous ai priée de prendre vous-même quelques informations. Je vois à présent que les accusations de ses ennemis n’étoient que trop bien fondées. Si son but est la ruine d’une pauvre innocente, et s’il ne l’a connue qu’à l’occasion des visites qu’il a rendues au château d’Harlove, je me croirai doublement intéressée à ce qui la regarde, et j’aurai sujet aussi d’être doublement irritée contre lui. Il me semble que je le hais plus que Solmes même. Mais je ne vous dirai plus un mot de lui, lorsque vous m’aurez informée, le plus promptement qu’il vous sera possible, de tout ce que vous aurez découvert… parce que jusqu’alors je n’ouvrirai pas sa lettre ; et si vos explications sont telles que je me l’imagine, et que j’en suis presque sûre, je la remettrai toute fermée dans le lieu où je l’ai prise, et jamais je n’aurai rien à démêler avec lui. Adieu, ma très-chère amie. Clarisse Harlove.



Miss Howe, à Miss Clarisse Harlove.

vendredi à midi, 31 mars. La justice m’oblige de ne pas tarder un moment, après ma dernière lettre, et de faire porter, si je le pouvais, celle-ci sur les aîles du vent. Je crois de bonne foi que votre homme est innocent. Il me semble que, pour cette fois du moins, il doit être justifié ; et je regrette beaucoup d’avoir été trop prompte à vous communiquer mes informations par lambeaux. J’ai vu la jeune fille. Elle est réellement très-jolie, très-agréable ; et ce que vous regarderez comme un mérite plus précieux, c’est une jeune créature si innocente, qu’il faudrait être d’une méchanceté infernale pour avoir conspiré sa ruine. Son père est un homme simple et honnête, qui est fort satisfait de sa fille et de leur nouvelle connaissance. à présent que j’ai pénétré le fond de cette aventure, je ne sais si je ne dois pas craindre pour votre cœur, lorsque je vous aurai dit qu’il peut sortir quelque chose de noble de ce Lovelace. La jeune fille doit être mariée la semaine prochaine ; et c’est à lui qu’elle en aura l’obligation. Il est résolu , suivant le discours du père, de faire un heureux couple, et il souhaiterait , dit-il, d’en faire plus d’un . Voilà pour vous, ma chère. Comme il a pris aussi en affection le jeune homme qu’elle aime, il a fait pour elle un présent de cent guinées, qui sont entre les mains de la grand-mère, et qui répondent à la petite fortune du mari ; tandis que son compagnon, excité par l’exemple, en a donné aussi vingt-cinq pour équiper en habits la petite villageoise. Le pauvre homme raconte qu’à leur arrivée, ils affectaient de paraître au-dessous de ce qu’ils sont : mais à présent, m’a-t-il dit en confidence, il sait que l’un est le colonel Barrow , et l’autre le capitaine Sloane . Il avoue que, pendant les premiers jours, le colonel s’apprivoisait assez avec sa fille ; mais que la grand-mère l’ayant supplié d’épargner une pauvre jeune innocente, il jura de ne lui donner que de bons conseils, et qu’il a tenu parole en honnête homme. La folle petite créature a reconnu que le ministre même ne lui aurait pas donné de meilleures instructions, d’après le livre de la bible. Je vous avoue qu’elle m’a plu beaucoup, et je lui ai donné sujet de ne pas regarder sa visite comme un tems perdu.